Affichage des articles dont le libellé est C'est à dire. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est C'est à dire. Afficher tous les articles

dimanche 26 mars 2023

Dictature, ou Démocratie ? (L’illégitimité des lois)

 

                                                               Dictature, ou Démocratie ?

                                                                   (L’illégitimité des lois)

 

La question n’a évidemment aucun sens. Elle ne sert qu’à persuader les plus ignorants de se soumettre et obéir.

Macron est-il aussi ignoble, despotique, que Poutine ? Evidemment non : et alors ? Cela a-t-il le moindre intérêt d’établir des records, de mettre en compétition les exactions des dirigeants de triste mémoire, de « classer » Xi Jinping, Erdogan, Hitler, Staline, Napoléon (etc !) du « plus » au « moins » abominable, dans une macabre comptabilité du nombre de morts et d’injustices ?

Le manifestant qui se fait défoncer le crâne par un CRS, arracher la main, crever l’œil sera-t-il rassuré de savoir que le policier agissait « démocratiquement » dans le cadre de ses fonctions parfaitement définies par la loi ? On peut en douter.

Entretenir ces questionnements stériles, rappeler l’évidence qu’il vaut mieux être un opposant en France qu’en Iran, et que dans la majorité des autres pays de la planète, répéter, comme le fait un chef maffieux sur les antennes complaisantes qu’ « obéir aux lois, c’est ce qui fait la Démocratie », ne sert qu’à essayer de dissuader les contestations, museler les critiques.

N’y croient que ceux qui sont assez ignorants pour méconnaître l’Histoire, ou dont les intérêts personnels les incitent à se satisfaire de cette fable.

Revendiquer, à chaque nouvelle privation de liberté, que « nous sommes en Démocratie », et que par conséquent les citoyens devraient aveuglément et mécaniquement obéir aux lois votées, ne sert qu’à produire le maximum de « consentement », c'est à dire de de soumission : c’est autant de recours à la force violente (la « Force de l’Ordre) d’économisé.

Tout gouvernant, quel que soit le nom dont il peinturlure son pouvoir, cherche à ce que sa volonté soit exécutée, ses contradicteurs mis hors d’état de lui nuire. Il ne tient ce pouvoir que du fait qu’il dispose, pour des raisons qui diffèrent selon les types de régime, des forces armées et policières. Et seulement tant qu’il en dispose.

Les « Démocraties » ont compris, et rendu possible, que la meilleure domination, la moins coûteuse, la plus durable, est celle qui recourt le moins possible à la violence armée. Tout Pouvoir qui s’empare des richesses et du contrôle d’une nation essaie d’abord d’instaurer une « servitude volontaire » : si celui qu’on contraint, asservit, exploite, est convaincu que son obéissance est légitime, juste, inévitable, incontestable, il aura moins tendance à se rebeller contre ses tortionnaires, et à se soustraire à leurs volontés.

Il faut que la « Loi » paraisse légitime : ne pas procéder du caprice et de l’intérêt du dominant, mais d’un « état naturel » ou d’une transcendance. Selon les époques : les dominants, riches, seraient « les meilleurs » (« aristocrates ») ; les plus capables de servir l’intérêt général ; auraient été voulus et choisis par une entité suprême, « Dieu » : on serait Roi « de droit divin », ou par l’application de la Charria. Lorsque tous ces subterfuges sont éventés, on invente « le Peuple », la « Chose publique » (« Res publica »), l’ « intérêt supérieur de l’Etat et de la Nation », dont les potentats ne sont, bien entendus que les zélés « serviteurs ». Cela n’abuse que les niais et les imbéciles, mais c’est déjà ça à ne pas avoir à contrôler. La croyance à une légitimité de la Loi, c'est à dire une raison acceptable de s’y soumettre et de ne même pas la contester, est entretenue à toutes les époques. Le Moyen-Age chrétien a ses ordalies et « Jugements de Dieu » : l’accusé (des « crimes » les plus délirants : inobservance de la loi religieuse, hérésies, « sorcellerie ») est confronté à une épreuve dont il ne peut réchapper (jeté dans une rivière dans un sac cousu, ou du haut d’une tour, ou affronté à un adversaire en armes, etc, l’imagination des tortionnaires est sans limites). S’il survit malgré tout, il prouve son innocence.

Ces pratiques paraissent aujourd'hui aberrantes. Mais pas celles auxquelles nous sommes habitués. On se demande comment des gens, à ces époques, « ont pu croire » à de telles âneries : mais de la même façon que certains croient aujourd'hui au bienfondé des lois actuelles auxquelles il leur semblerait insensé, scandaleux de se soustraire.

Presque jusqu'à la fin de l’Ancien Régime, au XVIIIe siècle, on a trouvé tout à fait normal de pratiquer la torture des suspects (et des témoins !) : la « question », « ordinaire » et « extraordinaire », des tribunaux royaux et ecclésiastiques. Le Chevalier de La Barre sera décapité pour « avoir passé à vingt-cinq pas d'une procession sans ôter son chapeau qu'il avait sur sa tête », sous Louis XV : le « blasphème », déjà, ce crime dont on sait ce qu’il fait encourir aujourd'hui aux auteurs de certaines caricatures, et dont des enquêtes récentes nous apprennent qu’il est reconnu comme condamnable par une proportion importante et croissante de la jeunesse en France.

De même qu’il paraîtra approprié et juste à l’Armée française de torturer, ou jeter des prisonniers ennemis vivants du haut d’hélicoptères en vol, lors de la Guerre d’Algérie. Que nul ne semble s’étonner, s’offusquer, s’indigner, que l’homosexualité soit considérée comme une maladie mentale et un délit, jusqu'au changement de la loi en 1982. Elle l’est toujours dans certains Etats américains, et, ailleurs, punissable de mort. La liste serait interminable des lois, abominables, abjectes, ou simplement idiotes et absurdes, qu’on a fini par abroger. Cette conscience du caractère relatif des lois ne date pas d’hier : pour Montaigne, puis Pascal, « vérité en deçà des Pyrénées, erreur au-delà ».

Encore faudrait-il tirer les conséquences de la variabilité extrême de ce qui paraît légitime dans ce qui est, dans un pays donné à une époque donnée, légal.

Après la IIe Guerre Mondiale, le « Démocrate » De Gaulle peut envoyer l’armée en Algérie, la laisser pratiquer torture (comme, avant lui, le Ministre de l’Intérieur, puis de la Justice … Mitterrand) et exécutions sommaires : ça ne choque pas grand-monde. C’est « la loi ». Aucun problème non plus de démocratie quand le même De Gaulle effectue des essais nucléaires, au Sahara puis en Polynésie, sans la moindre considération pour les retombées sur les populations locales. La presse d’investigation a régulièrement déterré les innombrables affaires ou des dirigeants ont fait tuer, ont envahi des territoires, soutenu des dictateurs sanguinaires, se sont enrichis … Au plus parfait mépris du « Droit », parfois, ou dans son cadre fluctuant, souvent. Démocratie, dictature ?

L’exercice du pouvoir, abusif ou pas, habillé d’une apparence législative ou pas, se fait toujours au profit et dans l’intérêt de ceux qui le détiennent, au détriment de ceux qui le subissent, et avec la complicité, le soutien actif ou l’assentiment complaisant de tous ceux qui en tirent bénéfice et avantage. Tout pouvoir, maffieux, « royal », « religieux », « républicain », « révolutionnaire », etc, doit et sait redistribuer une partie du butin à ses complices et affidés, s’il veut durer. Terres, rentes, prébendes, honneurs, distinctions … Les premiers « rois » de notre histoire ne sont que des voyous, des chefs de bande, utilement adornés de faste et de prestige, de « noblesse », par des clercs courtisans, qui se sont emparés de territoires par la violence, puis en ont pérennisé la possession, pour eux et leur descendance, par ces déclarations menaçantes qu’on appelle « lois ». Ils ont pu posséder des esclaves, prélever des « impôts » (méthode du racket), jouir de ce dont les autres étaient privés, satisfaire leurs caprices les plus tordus, jusqu'à ce que des révoltes les obligent à accepter d’autres « lois », moins avantageuses, plus restrictives, ou profitant à un autre groupe social venant de s’emparer à son tour des commandes. Autour du despote, il y a toujours l’entourage de ses affidés et féaux, en cercles concentriques, toute la hiérarchie de ceux qui profitent, à des degrés divers, du système mis en place, en échange de leurs aide, soutien, complicité, complaisance, indifférence. Degrés successifs d’acceptation d’un système de domination, répondant aux rémunérations qui les accompagnent. Les dominants achètent la complicité de ceux qui les aident dans leur prédation, ou au minimum s’abstiennent de s’y opposer : c’est ce pacte, résultant des rapports de forces entre les parties contractantes, qu’on appelle « la loi », dont les articles et énoncés fluctuent au gré des évolutions du rapport de forces. Un despote ne peut régner seul. Ce qui différencie les types de régimes, c’est le mode de désignation du chef de bande, et la proportion de la population associée au butin. Dans une « démocratie bourgeoise », et c’est sa force, tous ceux qui reçoivent une part « suffisante » des richesses (prélevées sur les pays et les catégories sociales les plus faibles) n’ont évidemment aucun intérêt (aucune « raison ») de s’opposer à ce système, d’en dénoncer les exactions et injustices, d’en critiquer le fonctionnement ni les lois.

Les meurtres d’Etat, les violences policières, les agressions militaires, les spoliations, privations de droits, de libertés ou de biens paraîtront « normaux », justes, légitimes (ou seront occultés par un déni de réalité) par les parties de la population, plus ou moins nombreuses, qui en retirent un bénéfice : dans l’Iran des mollahs comme dans la Russie de Poutine, la Chine « communiste », les Etats-Unis ou la France. Partout, on justifiera l’oppression (d’intensité et de périmètres très différents, en fonction des rapports de forces institués localement au cours de l’Histoire) par cette évidence : « c’est la loi ».

Avec plus ou moins de mauvaise foi, certains trouveront toujours des « raisons » pour défendre ce qui les arrange ; ou ce dont on les a convaincus (il n’y aura pas toujours fallu beaucoup d’efforts) de l’évidence, du caractère naturel, de la nécessité ou de la justice de telle loi, telle spoliation, telle violence. « Les peuples d'Europe ayant exterminé ceux de l'Amérique, ils ont dû mettre en esclavage ceux de l'Afrique, pour s'en servir à défricher tant de terres », se moquait déjà Montesquieu.

De la même façon, les femmes « doivent » évidemment porter un voile sur la tête : ou, sous nos latitudes, un tissu pour cacher leurs seins (arrestations de Femen pour « outrage aux bonnes mœurs », lors de leurs manifestations). Les colons juifs occuper de nouvelles terres palestiniennes. Les banques fixer les frais qui leur conviennent. Les gouvernements les taxes qui les arrangent (ou l’âge du départ à la retraite), ou les bénéfices que pourront engranger les alliés du Pouvoir, grandes sociétés Concessionnaires des autoroutes avec lesquelles on signe des accords providentiellement généreux, ou laboratoires pharmaceutiques justement destinataires de commandes d’Etat, etc. Les mal servis n’ont qu’à s’incliner devant la Loi promulguée par ceux qu’elle arrange : les « titres de propriété » établissent de façon définitive à qui sont les richesses, les pires rigueurs s’abattront, en « toute justice » sur ceux qui seraient tentés d’en revoir la distribution. Les potentats, les notables, les « élus » s’arrogent tout pouvoir de décider seuls de qui aura accès à l’eau (dossier des mégabassines), jusqu'à quelle vitesse j’ai le droit de rouler, dans quelle rue je dois ou pas porter un T-shirt … Grandes et petites obligations, interdictions, autorisations. Si ce sont eux qui nous l’imposent, c’est « légal ». Pourquoi ? Parce qu'ils ont été « élus » … (savoureuse ambiguïté du terme, tout autant religieux que républicain !) Par qui ? Selon quelles règles, décidées par quels bénéficiaires … ? Modes de scrutins, redécoupages électoraux, moyens financiers et collusions médiatiques, promesses électorales et mensonges, démagogie … Les techniques ne manquent pas, même en « démocratie », pour fausser la donne, accaparer les postes clefs, se répartir, au sein des mêmes familles et groupes sociaux, les leviers de pouvoir.

Certes, en « démocratie », le despote est désigné à l’issue d’un vote, et on en change. Xi Jinping aussi, est élu : par un collège électoral de plusieurs dizaines de millions de votants, le Parti Communiste. Angela Merkel est restée au pouvoir pendant 16 ans … En 2016, Trump est « élu » avec trois millions de voix de moins qu’Hillary Clinton, parce que « ce qui compte », c’est le nombre de Grands Electeurs … Plus important, tous ces candidats élus, dans nos « démocraties », appartiennent aux mêmes groupes socio-culturels : les « alternances », révolutions de Palais, concernent le clan qui l’emporte, pas la classe sociale. Plus important : un Macron, qui brandit sa « légitimité démocratique » pour « justifier » une réforme des retraites refusée par les ¾ de la population (démocratie ?), n’a attiré au premier tour de la Présidentielle que 27,8% des suffrages exprimés (même pas, donc, un tiers de ceux qui ont voulu participer à ce « choix » très limité : pas tout à fait aussi téléguidé, automatique que la réélection de Xi Jinping … Mais, en termes de reproduction de classe, et donc d’intérêts, on en est assez près). Il doit ensuite sa victoire au 2e à un grande proportion d’électeurs de gauche, dont il feint d’ailleurs de tenir compte dans son discours : mais de l’opinion desquels il ne tiendra aucun compte dans ses décisions suivantes. Une règle du jeu bien opportune, circonstancielle (décidée par le camp rédacteur de la Constitution de 1958 …), discutable, contestable, mais pas modifiable, en dehors de conditions quasi impossibles à réunir, donne le droit à un homme, dans cette conception très particulière de la « Démocratie », de décider une mesure contre l’immense majorité de ceux qu’il est censé représenter … Règle ubuesque, digne des espiègles « Démocraties Populaires » de naguère …

Ceux qui y gagnent peuvent faire semblant de croire à la « légitimité » de leur domination. La plupart des dominés ne sont pas dupes. Ne se soumettent que parce que, derrière la fable de « la loi », il y a la violence armée. Les « Forces de l’Ordre », de l’ordre du Pouvoir comme partout. Ou cessent de se soumettre, en recourant, eux aussi, à la violence : à la fin, c’est toujours là qu’on en arrive, les Jacqueries qui émaillent tout le Moyen-Age, finalement abouties en Révolutions. C’est toujours la violence qui décide.

 

lundi 26 décembre 2022

Les dessous du "Souci de l'autre"

 

Il me semble que l’origine du problème est double : ce qui explique que ça nous laisse peu de chances de nous en sortir.

Les religions chrétiennes ont largement conditionné les consciences à ces idées délirantes, qui font tant de ravages : la « culpabilité », d’abord, qu’elles cultivent avec une jouissance masochiste : être chrétien, c’est d’abord se sentir coupable (de tout à priori), puisque c’est la culpabilité qui ouvre le chemin de la rédemption (mea culpa ! mea culpa !).

Et le grand enjeu, c’est l’autre : je dois « me soucier » de « mon frère » (le voilà, le thème, le mythe d’une « fraternité humaine », le crédo que nous « partageons notre humanité »), souffrir de ses souffrances (la compassion), l’aider (la charité), voire l’aimer !

Ça paraît joli et sympa comme programme : le problème, c’est que ça donne le contraire dans la réalité : l’histoire des Chrétiens est plus que tout autre faite d’horreurs : non pas malgré leurs gentilles intentions, mais à cause d’elles : Pascal le pointe très bien : « Qui veut faire l’ange fait la bête ». Donc non seulement les autorités chrétiennes n’ont jamais appliqué cette « caritas » alléguée, mais elles ont commandité ou aidé les entreprises les plus abominables : croisades, inquisition, bûchers de sorciers, esclavage de masse, et ça ne s’arrête pas avec l’époque moderne : soutien des dictateurs, combat réactionnaire contre les libertés : droit au divorce, à l’avortement, à l’homosexualité ; viols massifs d’enfants et de religieuses dans les institutions …

1er niveau de contradiction : nous nous sentirions coupables de ne pas nous soucier de l’autre, alors que les sources de cette injonction sont à ce point réellement coupables, elles ? Peut-être faut-il aller creuser ce concept irréaliste, suspecter sa nature frelatée : il y a maldonne (si ceux qui enjoignent compassion et charité sont les 1ers à faire tout le contraire : et pas de temps en temps, quelques exceptions, mais quasi tous, sur 1500 ans d’histoire), et on est poussé à se poser la question d’une possibilité de lien causal : ce souci proclamé de l’autre ne produirait-il pas le processus inverse, son exploitation systématique ? L’un ne serait-il pas le masque efficace de l’autre ?

A noter que cette prise de conscience fait se développer, entre le 16e et le 18e siècles, le mode de pensée qui va se substituer au religieux, souvent le combattre, mais paradoxalement en reprendre et perpétuer le concept pathogène de « souci de l’autre » : de l’Humanisme aux Lumières, puis leurs prolongements modernes, Socialisme, Marxisme, Droits de l’Homme, idées « de gauche », égalitarisme, justice sociale, soutien aux faibles, solidarité … !

On ne s’en dépêtre pas : ce n’est plus l’image éplorée du Crucifié, ce sont celles, dérisoires, de foules au poing levé, la tronche du Che sur les t-shirts. Avec exactement les mêmes effets, en pire. Et plus c’est « moral », plus c’est liberticide : Sartre vient nous faire le coup de « l’engagement » obligatoire, faute de quoi on est inévitablement un « salaud », un « bourgeois » : bref, un égoïste, quelqu'un qui s’en fout, voire un profiteur …

Et les « bonnes intentions » viennent paver un enfer encore plus brûlant : après les colonisations par la République, le sartrisme soutient le FLN : c’est parti pour 60 ans de dictature militaire ; Mao !... Et Cuba … Bien vu.

Aujourd'hui, les femmes iraniennes se révoltent : il est piquant de rappeler qu’elles doivent à la France leur actuelle misère. C’est nous qui recueillons, choyons, entretenons le merveilleux Khomeiny, et même le ramènerons jusqu’en Iran, pour qu’il y installe son délire : il n’y aura pas eu un responsable politique, un agent des Renseignements pour jeter un coup d’œil dans les écrits et les projets des mollahs !

Face à une telle « sollicitude », on rêve d’indifférence ! Les « gens concernés », ne vous mêlez plus de rien …

Parce que tous ces « bons sentiments » ne sont tissés que de fantasme. C’est même leur fonction : masquer, altérer la réalité. La froide réalité, beaucoup moins « noble » et flatteuse, qui revient en douce d’autant mieux que nous avons endormi notre vigilance par de beaux discours avantageux : les colonisations se sont toujours faites au nom de toute cette « Civilisation » que nous avions à apporter, généreux que nous sommes. Nous ne faisons de guerre que « de libération ». (parfois, même, « de pacification » : il faut oser.)

 

En 1er bilan, on peut observer que tous ces discours de « souci de l’autre », au mieux n’empêchent pas les pires exactions, et qu’ils semblent même les faciliter.

Quand on scrute la réalité de ceux qui affichent leur « solidarité » avec les supposées victimes des malheurs du monde, on s’aperçoit que la plupart au mieux ne font pas grand-chose pour modifier la situation, quand ils ne sont pas des contributeurs (hypocrites ou inconscients) à cette situation qu’ils prétendent combattre.

C’est justement la fonction du discours émotif, de l’affichage de générosité : se leurrer soi-même, ou leurrer les autres, sur ses motivations véritables. On « est Charlie », on affiche un drapeau jaune et bleu, un ruban rose, on donne aux pauvres, on signe des pétitions, on va défiler pour le climat, pour les homos … Quitte à voter pour des Présidents dont les actes aggravent les inégalités, la pauvreté, les tensions internationales, les problèmes climatiques. Ou à soutenir un mode de vie qui produit ces calamités qu’on prétend (parfois « sincèrement ») contester.

C’est le mécanisme de la piécette déposée dans la main du mendiant à la sortie de la messe : ça soulage la conscience, je suis forcément « une bonne âme », je peux retourner me rouler dans mon confort, et faire que rien ne change.

Je peux me dire « féministe », « solidaire des Iraniennes » et, comme une Sandrine Rousseau, ou beaucoup de ses camarades de La France Insoumise, soutenir simultanément le port du voile en Europe, montrer de la complaisance envers cet autre système religieux intrinsèquement liberticide, l’Islam.

Ou me dire « préoccupé » par la pauvreté dans le monde, tout en voyant d’un bon œil les activités commerciales de nos entreprises, qui en sont la cause essentielle. Leurs cadres se scandaliseraient qu’on suggère qu’elles sont activement responsables et soutiens de régimes tyranniques, exploitation du Tiers-Monde, dérèglement climatique … Ils préfèrent ne pas faire le lien, ils le récusent si on l’évoque : eux comme leur employeur n’ont évidemment que des convictions charitables, démocrates, écologistes. L’intention vaut l’action. Mes prières me lavent de mes péchés. Certains vont même jusqu'à faire pénitence, ou le jeûne : un peu de privation, de mortification ne peut que servir de témoin de moralité, au Tribunal de ma conscience.

Il y a ceux aussi qui n’y sont réellement pour rien : qui « n’y peuvent rien », qui ne font rien qui contribue au Régime de Téhéran. Mais qui ne peuvent rien non plus contre lui.

Et c’est difficile à supporter. Percevoir la souffrance. Ne rien pouvoir faire. Et ne rien faire. Forte est la tentation de tromper son impuissance : faute d’agir, puisque je ne peux avoir aucune influence sur les rapports de forces, complexes, qui nouent la société iranienne, exprimer « mon soutien », déclaration contradictoire, « magique », puisque justement je ne peux rien « soutenir ». Cette angoisse de l’impuissance, c’est elle qu’il s’agit de dissoudre, par la « prière », la célébration collective, l’hommage.

Pas besoin d’être une femme pour éprouver de l’empathie pour les Iraniennes battues, violées, torturées, violées. Je ne me sens pas « concerné », atteint par la peine, pris par une empathie, par les seuls malheurs des hommes soixantenaires à peaux blanches, mes « semblables » supposés : mais aussi bien par les images imposées des Juifs d’Auschwitz, même si je pense que le judaïsme, nullement estimable, est une aberration, souvent meurtrière (au même titre que les autres systèmes religieux, délires toxiques), de toute créature qui souffre.

Mais je n’attribue aucune valeur morale à ce processus, aucune « noblesse », aucune vertu à priori : je l’observe, froidement, comme un mécanisme spontané, qui peut être amplifié ou atténué par certaines dispositions éducatives.

C’est une sécrétion, un résultat : ça souffre, et nous ressentons cette souffrance extérieure comme « la nôtre » : nous sommes tentés d’agir comme s’il s’agissait de nous, désirer la suppression de la cause.

C’est un mécanisme adaptatif utile, comme tout ce qui produit de la souffrance : ça alerte, et ça pousse à agir.

C’est à ça que sert la douleur. Mon doigt trempé dans l’eau bouillante : à le sortir. Si ça fait mal, c’est qu’il y a un problème. Donc une solution à chercher, des modifications à apporter. Si un bébé pleure, ça peut être un signal de danger, ou de malaise : ça m’alerte, je vais voir. Systèmes d’entraide, nous ne sommes pas seuls dans notre souffrance, le concours de la tribu peut réduire notre peine : à charge de revanche, rien d’ « altruiste » là-dedans, rien qu’un égoïsme intelligent : j’ai des problèmes, ton aide est la bienvenue, et quand tu en as, la mienne t’est acquise.

Nous pouvons un certain nombre de choses pour les autres : si nous les aidons, c’est générateur d’harmonie pour notre vie, si ça fait baisser le niveau général de souffrance (exemple avec la vaccination collective, qui augmente la protection du groupe).

Mais de façon très limitée : seulement ceux qui sont « à portée de main », dans notre rayon d’action. Une femme se fait molester dans la rue ou la maison voisine : je peux décider d’essayer de faire quelque chose, si c’est en mes possibilités. Mais si la scène se passe à 100 km, je ne peux rien faire : et d’ailleurs, la plupart du temps, je n’en sais rien.

Aux époques où l’information correspondait à peu près au rayon d’action du corps, il y avait adéquation : je voyais ce qui se passait « sous mes yeux », je pouvais agir si je le jugeais nécessaire (et possible). Aujourd'hui, nous sommes « informés » (l’un des sens de « concerné » : touché par l’événement, au courant de son existence) d’innombrables malheurs qui se jouent bien au-delà de notre champ d’action : nous sommes concernés de force, c'est à dire percutés par le phénomène, remués par les affects qui en résultent, les mécanismes (narcissiques) d’identification et de projection (la compassion « spontanée » pour les Ukrainiens à côté de l’indifférence fréquente, voire l’hostilité, pour des réfugiés plus « lointains »), agités par le besoin de faire quelque chose. Or la plupart du temps, nous ne pouvons rien, quand déjà nous ne sommes pas pour quelque chose dans la survenue du problème (il est assez incohérent d’être partisan, voire acteur de la société de sur-consommation, et de subir une éco-anxiété).

Nous sommes ainsi placés dans une situation de stress : confrontés à un « danger » d’autant plus effrayant que nous sommes loin, impuissants. Par exemple, si je me mets à imaginer un  bombardement nucléaire par Poutine, ou le calvaire subi par les femmes iraniennes : ça m’est d’autant plus facile que je n’ai pas attendu que les projecteurs médiatiques se braquent sur ce pays, où ces horreurs ont lieu depuis 40 ans, pour en lire la description détaillée : dans les romans de la réfugiée Chahdortt Djavann, qui leur a échappé, et en fait une restitution très sensible.

Et c’est le cas pour 98% des problèmes qui surviennent sur la planète : je n’y peux rien. Ni sauver des gens persécutés, mettre fin à des guerres, nourrir les affamés, apaiser les désespérés …

Heureusement, j’ignore l’existence de la plupart : si je voyais et entendais les souffrances de tous, comment supporter ?

Ce qui permet de commencer à comprendre la réalité du processus : ce n’est pas l’existence d’une souffrance qui déclenche mon empathie compassionnelle, mais la connaissance que j’en acquiers. Ou dont on m’encombre opportunément : curieuse industrie que celle des médias : elle produit du stress, de l’angoisse. Avec une régularité bien rôdée : un gros titre catastrophiste remplace l’autre. Il en faut toujours un en haut de l’affiche. Mais que ça tourne : le public se lasse vite. Sa « compassion » est à géométrie variable. Il s’épouvante de concert pour un lieu, un peuple, dont personne ne parlera plus quelques semaines plus tard, dont on n’aura plus d’images, oubliés les problèmes : ça marche comme ça, et heureusement, c’est un dispositif protecteur : un drame ne nous émeut qu’autant, et pour autant qu’il nous est mis sous les yeux. Pour le plus grand profit, double, de ceux qui en font profession : le malheur fait vendre, et, comme disait Bourdieu, « le fait-divers fait diversion » : rien de tels que les malheurs lointains pour rendre plus acceptables ceux d’ici, qui paraissent dérisoires, par comparaison.

Des problèmes à résoudre, je n’en manque pas : des vrais. Les miens, ceux de mes proches, ou de tel inconnu de passage. Sur les problèmes plus lointains, j’ai aussi quelques rares occasions d’agir : en ne soutenant pas un homme politique partisan de quelque chose que je réprouve.

C’est à moi de « me concerner », en quelque sorte : de ne pas me laisser faire, embarquer par les hasards d’une campagne opportuniste ; de choisir ce sur quoi je porte mes yeux : rien ne m’oblige à les braquer en permanence sur les plaies et les moignons, sauf si j’ai de quoi les soigner ; à moins d’une complaisance toxique : il est plus d’une raison à « choisir » de se faire du mal : certains ont à se punir d’un crime imaginaire (ou de leur collaboration quotidienne à ce qu’ils dénoncent : ils doivent alors se flageller, pour expier) ; d’autres atténuent par ces souffrances virtuelles de plus redoutables et intérieures ; d’autres sont simplement fascinés, victimes semi-consentantes des pourvoyeurs de came médiatique.

Chacun mène après tout la stratégie qui lui convient. La mienne est de remettre à leur place les « nouvelles » intrusives, d’éteindre quand il le faut la source de la pollution, du « bruit », comme je fermerais mes fenêtres, de ne prélever que les informations utilisables, de ne pas me garder sous les yeux les spectacles pénibles, sans les fuir non plus lorsqu’il s’agit de connaître le réel : mais sans complaisance masochiste.

lundi 12 septembre 2022

Marketing et greenwashing à la Maif

 

https://www.danslescoulissesdelamaif.fr/conduire-une.../... Bel exemple de marketing greenwashing dans cet "article" (!) de la Maif participant à la propagande éhontée pour le Grand Remplacement des véhicules thermiques ...
Résumé de l’article, qui, bizarrement, se présente comme une information sur la conduite : payez, payez, payez … Payez (beaucoup !) plus cher (ça, l’article ne le dit pas) pour l’achat d’un véhicule électrique, payez pour « installer une borne de recharge à domicile » (aurions-nous eu l’idée de faire installer une pompe à essence dans notre jardin !?), payez pour une formation afin de maîtriser un véhicule manifestement moins contrôlable au démarrage …
Au nom des bons sentiments « écologistes » (on peut mettre n’importe quoi, sous l’étiquette verte), on nous vend de toute part l’électrique, avant de nous y contraindre (fin programmée de la vente de véhicules thermiques) : c’est l’usager, une fois de plus, qui fera les frais (au sens littéral !) de cette transformation imposée par des décideurs à l’abri des surcoûts énormes qui nous pendent au nez : le plus souvent citadins, les transports collectifs leur suffisent, et leur niveau de revenus, en général élevés, rendent pour eux négligeables les 30% en moyenne de hausse du prix des véhicules.
Une fois de plus, la caste technocratique impose ses lubies à la foule (résignée … Ou crédule) des revenus modestes, à grand renfort de sermons vertueux (ou catastrophistes).
Il est consternant que la Maif (l’ « assureur Militant » !...) s’associe à cette propagande. Commerce oblige.

dimanche 20 mars 2022

Plus de limites ! (à l'âge de la retraite)

 

 Marianne, 19/03/2022

 

 

Et alors ? C’est quoi, le problème ? Parce qu'en plus, les pauvres, ils voudraient être à la retraite et vivants, en même temps ! Non mais, où ça s’arrête ? Comme me disait un copain, qu’a 2 maisons, 3 appartements, et quelques babioles : déjà que la France est le pays dans lequel on redistribue le plus !

Quand tu passes devant un clodo, une famille qui moisit dans sa achélèm, des gamins qui font vacances dans leur zone, toi tu te fais emmener en taxi à l’aéroport, tes vacances elles sont en Argentine (comme son nom l’indique), en Taille-Land, ou au Nez Pâle : suffit que tu leur sortes les chiffres, ils peuvent pas contester : c’est la France qui redistribue un max. Dites merci.

Insatiables. Tu le gagnes, toi, ton fric. T’es doué, c’est tout. Pas ta faute s’ils sont cons. S’ils ont plus de taf à 55 balais : que ça les empêche pas de continuer à pas bosser jusqu'à 65. Vois pas où serait la contradiction.

Oh, et puis, si ça les ulcérait tant que ça, les gens, ces « inégalités », ça serait vite réglé : il leur suffirait, le 10 avril, de voter pour le mec de gauche le mieux placé, en arrêtant d’ergoter, en mettant de côté les « oui, mais il est ceci », « il a dit cela ». Si ça leur tenait vraiment à cœur, ils le dégageraient vite, l’autre tordu qui pense qu’aux bénefs, et ses pareils au même, en pire !

On risque rien. Trop occupés à se chamailler sur des questions de préséances. Gérer leurs petites carrières de chefs de la Contestation. On va pouvoir continuer à se goinfrer, les chiffres et notre conscience pour nous.

J’vous quitte : emploi du temps chargé. Je boucle ma descente à Megève, le temps d’un golf, et j’emmène ma petite famille aux Seychelles.

C’est important, la famille.