dimanche 14 avril 2019

"Green Book", film de Farrelly







J'avais raté "Green Book" ! Pourtant, Farrelly ... Pas fait le lien, et puis c'est fastidieux, tous ces superlatifs de criée aux poissons, cette avalanche prescriptrice, ce moralisme insistant et sirupeux : "il faut" aller voir, c'est "génial", etc. Eh ben non : "il" ne "faut" pas : j'y suis allé, et j'y ai pris un vif plaisir, joyeux, tonique. Comme quoi, c'est pas parce que plein de gens aiment que c'est forcément débile. Faut pas se fier aux rumeurs.
J’ai aimé, beaucoup, et c’est pas pour autant que ce sera votre cas. Pas grave, ça se tente, on risque au pire de passer un excellent moment.
La musique, bien sûr : les musiques, plutôt, puisque c’est un des thèmes du film, musique nègre et musique classieuse, comment tout ça se rencontre.
L’originalité : il est astucieux, Farrelly : il manie des clichés, le rital voyou, le Noir qui joue du piano, la brute au bon cœur, mais il transfigure tout ça, il touille, il inverse, il les joue là où on ne les attend pas, il fait du neuf avec du vieux : il atteint l’archétype.
Certains se sont plaints, ou se sont réjouis, c’est pareil, de la « morale » de cette déconstruction du racisme : en ces temps d’unanimisme, où il ne fait pas bon de ne pas « être Charlie », où on se sent héroïque à enfoncer des portes ouvertes, on finirait presque par ne plus oser : trouver le racisme dégueulasse. C’est plutôt ici de l’ordre du jubilatoire : comment il est l’expression naturelle de la bêtise : celle, chichiteuse, des riches aux « bonnes manières », ou celle, plus cash, du prolo mal dégrossi. Et qu’il y a moyen de passer outre, possibilité. Que bêtise et racisme sont solubles dans la musique, l’émotion, le côtoiement, qu’il y ait cette double rédemption du solitaire raffiné et de la brute rouée, l’un par l’autre : pas forcément plausible, mais un vœu.
En tout cas, ça swingue, et c’est drôle.