dimanche 1 avril 2018

Mektoub My Love, Kechiche



 Mektoub, My Love : Canto Due
Mektoub My Love : Canto Uno


Immersion en territoire de « djeun’s basiques »

Intéressant, mais il faut s’accrocher : 3 heures, c’est long. Des scènes étirées jusqu'à l’interminable (mais dans la vraie vie, c’est encore plus long …) au ras de ces relations standardisées : ça bavarde, souvent du désir, ça baratine, ça picole, ça danse … Une conception élémentaire et vide de « la fête », que semble contempler de loin, perplexe ou gêné, le personnage principal, Amin, apprenti réalisateur.
Performance des dialogues : pas une seule réplique « intelligente », qui ait un contenu, qui soit personnelle, en fait, dans tout le film. Kechiche scrute et reproduit ce commerce de phrases toutes faites, de commentaires stéréotypés, de banalités sur « la vie et l’amour » qui constituent la (fausse) monnaie de ces relations mécaniques vécues par (notamment) une grande partie de ces jeunes qui prennent la convoitise pour de l’amour, l’ivresse alcoolisée pour de l’extase, et la consommation pour le bonheur.
Les deux personnages qui échappent (en partie, et comme malgré eux) à cette surexcitation vide (pittoresque performance de l’oncle, en libidineux toujours bourré, toujours réjoui, toujours éconduit, pure tchatche ; ou encore Tony, séducteur en série, stakhanoviste triste de la baise, hâbleur pour oies blanches) restent ou sont rejetés en marge, vaguement en recherche « d’autre chose », et ouvrent le film dans sa dernière séquence.
Vu au premier degré par des spectateurs qui y retrouvent leur mode festif, c’est ironiquement un éloge des plaisirs de la consumation qui est perçu : comme si, à la longue et bruyante scène de la discothèque, où les filles essaient en quelque sorte désespérément « de faire signe en trémoussant leurs fesses », ne s’opposait pas celle (pas plus elliptique !) où Amin photographie l’accouchement des brebis.
Document ethnographique si l’on veut, ou sociologique (performance d’une reconstitution pointilleuse et efficace), soutenu par un beau choix de musiques, de Bach au rock en passant par la techno.