lundi 13 avril 2020

La promesse


Plage immense sable eau océan soleil vagues reflets écume

Bleu
Iode sel tonique
Grondement mouettes ressac
Sable eau sel
Chaud doux
Sel

Toi, patate
Quelqu'un de doux et mystérieux
Tonique
Surprenant
Invitation au voyage



C’est une grotte. Parois anguleuses, parfois couvertes de varech. Paquets de mer, qui fouettent les rochers.
Je suis là pour explorer.
Détonations des vagues.
Le ventre du monde. La porte des Enfers, peut-être.
Mes yeux s’accoutument. Je distingue des masses sombres. Animaux ? Tapis, épiant la proie que je suis ? Je me sens de taille à affronter tous les Minotaures.
J’essaie surtout de ne pas déraper en progressant vers le fond, je m’accroche de mes deux mains.
La grotte fait un coude, au-delà elle s’élargit, j’entre dans un espace colossal. Cathédrale sous-marine.
Je crois apercevoir quelqu'un, au centre. Un autre explorateur, qui m’aurait précédé ? On n’est jamais tranquilles nulle part.
Elle est juchée sur un rocher central. Comme la statue inattendue d’une divinité antique.
Elle a bougé un bras ! Oui, elle est vivante, elle me regarde, impassible. Ma venue ne semble pas la surprendre, ni l’intéresser, à vrai dire.
Je m’approche. J’éprouve tout à la fois une inquiétude immotivée et une paix légère. Je m’approche, et je m’abandonne. Ses yeux voient aux tréfonds de moi, ils débusquent mon âme, mes peurs et mes hontes, mes désirs et mes espoirs n’ont aucun secret pour elle. Je suis nu devant sa sagacité calme, et je ne la crains pas.
Un apaisement, plutôt, un soulagement, de ne plus avoir à feindre, de ne plus devoir être quelqu'un d’autre, seulement le peu que je suis, matériau pauvre et primitif.
« Qu’es-tu venu me demander ? »
Sa voix est douce, paisible, et déterminée.
Je voudrais protester que je ne suis pas venu lui poser la moindre question, que j’ignorais même son existence, mais le mensonge est inutile. Je ne savais pas sa présence dans ce lieu perdu, mais, soyons honnête, je l’espérais … J’espérais sa rencontre, j’avais toujours espéré sans le savoir, sans oser me le dire, me trouver un jour devant elle, je l’avais rêvé au détour des sentiers, à l’entrée des salons de café, au hasard d’un spectacle en ville, sur un chemin égaré, au sommet des montagnes.
Mais je n’ai pas de question. J’ai beau chercher désespérément, je ne vois rien à lui demander. Ou tellement. Comment les rassembler toutes en une phrase ? Qui suis-je, quel est ton nom, es-tu là pour moi, est-ce possible que le bonheur existe ? Tant de questions idiotes et insensées, dont aucune n’était celle qui compte, la vraie.
Elle répète, plus doucement : « qu’es-tu venu me demander ? », sans impatience, comme on fait à un enfant qui tarde à dire le secret qui lui pèse.
« Viens avec moi. Partage mes jours. Offre-moi l’insolent privilège de te connaître », sont les mots que me souffle ma conscience. Ce n’est pas une injonction, pas même une invitation, impudent que je serais, est-ce qu’on adresse une prière, même, à l’être de nos rêves ? Un rêve, seulement, dit à haute voix. Le rêve aberrant et incertain qui hante mes solitudes, depuis tous les âges que j’ai traversés.
Ses yeux sourient. Elle descend de son promontoire. Et elle me tend la main. Et nous remontons à la surface du jour.