mercredi 9 décembre 2015

Dépasser la critique naïve et peu constructive des "politiciens"



Les reproches formulés à l’encontre de la classe politique (non sans raison) me semblent buter sur ce point : ils prêtent à l’être humain (comme beaucoup de gens, et beaucoup de politiques dans leur discours) une capacité de pouvoir a priori sur le monde ; c’est une vision idéaliste (au sens philosophique du mot) dont on a montré l’inefficacité en termes de compréhension du réel.
Je m’explique. Croire que les politiques (quels qu’ils soient ; vous, ou moi, demain) puissent (et donc devraient) par leurs décisions supprimer le chômage, la pauvreté, la faim dans le monde ou la guerre, c’est méconnaître les mécanismes complexes qui provoquent et font évoluer ces maux.
D’une certaine façon, c’est paradoxalement rassurant de le croire (et donc de le leur reprocher, de se servir d’eux comme exutoires), puisque ça permet de croire aussi que d’autres hommes politiques (lesquels ?), plus « vertueux » ( ?), eux, réussiraient … Et on espère en Mitterrand, en Obama, en Chavez, etc. Et on est déçus, et surpris, et on râle. Et puis on recommence.
La réalité est beaucoup plus effrayante, et il serait temps de passer à une conscience adulte, où les causes de nos problèmes ne soient pas des « méchants » (Dark Vador !) qu’il faut juste remplacer par des Gentils. Ça s’appelle la conscience politique, et ça passe par une étude des connaissances historiques, sociologiques, anthropologiques … Je sais, c’est long et compliqué. Il est plus facile et rigolo de vilipender Truc ou Machin.
Et donc, oui, en 33, comme en 2002, il se passe des choses, en gros les mêmes : la majorité des gens se détermine (inconsciemment) en fonction de paramètres matériels et « égoïstes » : leur niveau de vie, salaire, coût, espoirs d’évolution, sentiment de sécurité. Quand ces paramètres atteignent un seuil critique, mécaniquement les « bactéries » attaquent l’organe blessé, jouent sur le réflexe xénophobe, identitaire pour essayer de rafler la mise. Ça se faisait déjà du temps de Rome, ou du Haut Empire égyptien !
Ça n’exonère pas Hollande ou Sarkozy, Bayrou, etc. Mais, soyons un peu auto-critiques, ils sont juste comme nous : dépassés, et trop vaniteux et accrochés à leurs avantages pour l’admettre. Les électeurs (nous …) leur demandent de grands discours pleins de rodomontades, papa rassure-nous, yes we can … No, I’m afraid we don’t.
Un peu de courage, que diable, et de lucidité : on ne peut pas à la fois vouloir « moins de dépenses publiques » … et plus de policiers-infirmières, des classes moins chargées ! Moins d’impôt, mais pas moins d’entretien des routes, des trains. Continuer à vendre des armes (et ainsi combler le déficit) et ne pas nous faire tirer dessus avec.
Pour finir, je ne suggère pas dit qu’il n’y aurait rien à faire : déjà, lire sur ces sujets complexes les articles qui renseignent vraiment … (j’en partage pas mal sur ma page Facebook, ces temps-ci) Cesser de réclamer l’arrivée du Père Noël, comprendre la complexité du problème au lieu de se défouler sur des cibles commodes, voir nos propres contradictions (comment un Président, quel qu’il soit, pourrait-il prendre des mesures ? Dès qu’il essaie de le faire, il subit une révolte massive de la partie de la société qui y perd … Ceux qui fantasment la politique semblent croire que « y a qu’à ». Est-ce qu’ils se posent la question : toi président ( !), voyons, tu fais comment pour faire accepter telle mesure ?)
Yes, we have to.
Nécessité de la complexité de nos approches et discours. Ne pas se résigner, ne pas non plus croire béatement aux lendemains qui chantent, ou aux Hommes Providentiels. On a les représentants qu'on mérite ... (veules, opportunistes, intéressés, superficiels : ils nous "représentent" bien ! Et c'est cette moche image de nous que nous ne supportons pas de voir, que nous leur reprochons ...)

samedi 21 novembre 2015

Se tourner vers l'harmonie



Quelques règles. Chercher le bon comportement : celui qui amène le mieux ; évite le pas bon.

Mettre à distance ses émotions. Ne pas les croire. Elles donnent une vision déformée de la réalité. Ou idéalisée : on ne voit pas les défauts, les risques, on sera déçu après. Ou négativisée : les choses plus graves qu’elles ne sont. On prend au tragique ce qui ne l’est pas. Ne pas vouloir enjoliver les choses, ni les prendre au tragique. Les choses ne sont jamais très compliquées, finissent par apparaître plus simples, au retour du calme.
Les émotions fortes ne sont que des tempêtes chimiques dans le cerveau. Ne baser son comportement que sur les moments équilibrés.
Ne pas prendre de décision dans un moment d’émotion : se protéger soi-même de soi-même.
Ne pas écrire ou téléphoner à quelqu'un dans un moment de forte émotion, surtout négative sauf pour demander de l’aide dans un moment difficile) : protéger les autres de soi-même.

Ne pas s’entourer de gens pathogènes : ceux qui nous font ressentir des émotions négatives, ou avoir des comportements nocifs. Même s’ils apportent du plaisir : le plaisir est ce qui fait l’asservissement. Etre capable de renoncer au plaisir, de le différer : devenir maître de soi-même.
Chercher à s’entourer de gens à l’effet positif : qui nous font donner le meilleur de soi, qui font qu’on est bien après les avoir vus.

Identifier et refuser les activités, les comportements, les actes qui nous diminuent, nous abaissent, nous privent de nos forces.
Rechercher et pratiquer les activités, comportements, actes qui nous grandissent, nous élèvent, nous enrichissent.

Chercher l’harmonie. Chercher à retrouver l’harmonie quand elle nous a quitté.
Accepter que les choses soient ce qu’elles sont ; si cela ne nous satisfait pas, se demander ce qui est faisable ; si le but en vaut l’effort, concevoir un projet ; passer à l’action. Accepter que les résultats soient lents, voire l’échec.

S’interdire de blesser quelqu'un, surtout proche, de faire ou dire quelque chose qui puisse être pénible à quelqu'un. Ne pas vouloir contrôler les actes d’autrui : l’autre est souverain dans ses choix, il fait ou ne fait pas ce qu’il veut. Je peux juste souhaiter, le cas échéant demander, mais en prenant garde de ne pas blesser, de ne rien imposer, de n’exercer aucune pression.

Chercher la lucidité : douter de ce qui nous paraît positif, regarder sans crainte ce qui est négatif en nous, insatisfaisant.

Se fixer les objectifs qui nous paraissent souhaitables. Faire le point, voir ce qui a été accompli. S’interroger sur les raisons de ce qui ne l’a pas été.

Chercher ce qui est agréable dans ce qu’on a, tourner son esprit vers l’attitude de le savourer.

Quand notre esprit est dans une phase où il ne peut que se lamenter, voir le négatif, reconnaître l’illusion de l’émotion pathogène, refuser de la croire, débrancher son esprit en attendant qu’il se remette à fonctionner de façon saine, éventuellement le calmer par des activités consolatrices : aller se promener, ou faire du sport, ou lire, écouter de la musique, ou regarder un film, ou dormir, ou tout ce qui détourne l’esprit de son activité maladive et polluante.

Bâtir quand on le peut, quand l’énergie est là, les meilleures conditions pour que le quotidien des jours futurs soit bon et agréable.

Ce sont quelques-unes des règles et des pensées qui peuvent nous aider à vivre moins mal et à vivre mieux ; à ne pas être dupe et victime de ses démons intérieurs ; à ne pas être en guerre avec le monde. A permettre et préserver le mieux possible l’harmonie.

samedi 31 octobre 2015

Notre Petite Soeur, de Kore-Eda Hirokazu

mercredi 21 octobre 2015

Star Wars : l'insidieux poison d'une mode frénétique



                  Ce qui m'exaspère, surtout, c'est ce matraquage commercial, et les réactions extatiques des "fans" ! Pourquoi effectivement ne pas aimer un produit industriel, formaté, où les acteurs se limitent aux stéréotypes hollywoodiens (expressions faciales figées, réactions mécaniques), où le substrat mythologique (contrairement à quelques  films de SF) est pauvre à pleurer, rebattu, et surtout très militaro-américain ? Il m'arrive à moi aussi de prendre du plaisir à un truc au ras des pâquerettes (Starwars est au cinéma, à l'art, ce que McDo est à la gastronomie !). Mais je le sais ! Je ne prends pas mon quart d'heure régressif pour une expérience merveilleuse : ce qui est redoutable dans ce cinéma de supermarché (qui, mine de rien, méprise son public), c'est qu'il détourne de "là où ça se passe", les films qui nourrissent réellement l'esprit et l'âme (le dernier Woody Allen, ou tout un tas de films français, décriés par les ados parfois attardés qui s'y emmerdent parce qu'ils n'ont pas acquis la sensibilité nécessaire pour en apprécier la finesse, la délicatesse : à force de bouffer de la merde, on finit par ne trouver de goût à rien ...
Bref, c’est le monde à l’envers : cette petite série puérile (et je me suis tapé tous les numéros précédents) est portée aux nues comme un chef-d’œuvre, et ses amateurs se la racontent ! C’est à coups de nanars de ce calibre qu’on les maintient dans une médiocrité esthétique et intellectuelle : la belle réussite de manipulation des esprits, mieux que la censure des anciens régimes, ce qu’on appelle le « consentement volontaire » (La Boétie disait : « la servitude volontaire »), le rouleau compresseur de cette « culture » de supermarché américaine (il faudrait prendre le temps d’analyser l’implicite idéologique du film, l’autocélébration américaine d’un impérialisme impitoyable au nom d’une liberté à deux balles – mais les fans s’en foutent, ils sont contents de rigoler et que ça explose dans tous les coins, et gobent voluptueusement l’appât …) C’est juste triste. (et je sais bien qu’on n’y peut pas grand-chose…)
pas faux, mais justement, la dimension délirante de ce culte (la sortie du film n'est pas juste accueillie comme celle d'un "bon film" - admettons ...), la déclinaison des produits dérivés sous toutes leurs formes, ne  paraissent-elles pas disproportionnées, malsaines ...?
Et on sous-estime je crois les effets de conditionnement de ce type de produits de masse (étonnant pour un amateur, je crois, de "Bienvenue à Gattaca") : est-ce un hasard si ce type d'entreprise à haut rendement économique, comme c'était le cas de "Intouchables" fait l'objet d'un tel matraquage médiatique ?
Non pas évidemment qu'il s'agisse d'un "complot" ourdi par de méchants Libéraux planqués à Wall Street ... C'est infiniment plus "naturel" que ça, plus mécanique, et c'est ce qui est terrible : complexe à démonter (il faut recourir à des concepts politiques, anthropologiques, sémiologiques, sociologiques, etc. : ouf !), alors que "ça marche tout seul" : convergence d'intérêts économiques (ça rapporte), politiques (ça entretient bien les mythes qui contrôlent les masses), et individuels (type de film qui flatte l'égo d'un certain type de spectateurs : fantasmes narcissiques, vision simplificatrice et rassurante de la vie, émotions esthétiques primaires).
Encore une fois, ce n'est pas Ce film (même débat que pour "Intouchables") qui constitue un "danger" en soi, c'est toute la frénésie qui l'accompagne ! On aimerait voir pareilles liesse et ferveur pour des oeuvres (films, romans, pièces de théâtre, etc) qui élèvent l'âme ...

samedi 8 août 2015

Sexe Libre !



La libération sexuelle n’a pas eu lieu.

Une libération timide, peut-être, marginale et formelle. Quelques pseudo-audaces qui masquent la peur persistance du sexe. Le sexe, ça reste « mal », c’est encore « sale ».
On se la joue « libéré », mais c’est de la frime. Comme les « rebelles » d’apparat arborant la bobine du Che sur leurs T-shirts. Du toc, de l’intox, de l’auto-mystification.

Sauf sur quelques stations branchouilles, dans la réalité, dans la « vraie vie », on ne parle pas sexe, si ce n’est en pouffant, ou en se la jouant beauf sévèrement burné dans les vestiaires.
Entre amis, on s’invite à manger, pas à baiser. On se demande si on a bien dormi, bien roulé, passé de bonnes vacances, jamais si la baise a été bonne. On parle du dernier film, pas des dernières positions essayées : et pourtant, nous en aurions, des « recettes » à échanger …

Les Puritains hypocrites (pléonasme) invoquent la délicatesse, le « respect de l’intimité », la décence, le savoir-vivre … Mon cul !
On ne parle pas de baise, de sa baise, de la baise de l’autre, pour ne pas remuer le couteau dans la plaie. On peut s’étendre sur la recette du délicieux canard de Tante Alberte, se répandre en dithyrambes sur le « ravissant vase en céramique ramené de Tunisie », parce que ça ne mange pas de pain : pas de risques, pas d’enjeu.
Mais dire à une copine (pire, à une inconnue !) au décolleté faussement offert : « j’adore tes seins, je rêve d’en caresser le velours », ça ne se fait pas, ce serait opération suicide. Ça manquerait de tact.
Ce serait vulgaire. Le puritain (qui s’ignore et s’en défendrait, si on lui suggérait le diagnostic) projette ses refoulements sur la pulsion sexuelle : il la voit « sale » par ce qu’elle lui évoque de turpitude, il ne se rend pas compte que c’est la honte qu’il en éprouve qui lui fait percevoir une bite turgescente, une vulve entrouverte, des seins érigés plus condamnables ( ?) et scandaleux qu’un bras, des cheveux, un nez.

Il y a une géographie des tabous du corps. Beaucoup savent ce qu’elle a de variable, de relatif à la latitude et la « culture » d’un pays, aux dogmes assénés, instillés tout au long de l’enfance, mais rien n’y fait. L’interdit en vigueur paraît au vulgum pecus un horizon indépassable. Ça ne se fait pas.
Que dans les pays les plus rétrogrades, au nom d’un Islam pour le moins subjectif, ce soit les cheveux qu’il faille absolument dissimuler en plus du sexe et des seins, voire tout le visage, le corps tout entier, qu’ailleurs ou en d’autres temps la cuisse ou le mollet, le téton ou le ventre aient pu donner lieu à licence ou proscription, ne lui donne toujours pas à penser : son interdit à lui, dans le code de sa culture, qu’il croit intemporel et imprescriptible, ça ne se fait pas. Montrer ses seins (ce sont surtout les femmes, qui ont à subir les interdits catégoriques en matière de dissimulation des parties du corps : voilà qui devrait donner matière à réfléchir à cette nouvelle sorte de « féministes » qui loin de continuer à vouloir « brûler leur soutien-gorge » comme leurs devancières des années 60, crient à l’oppression des femmes à la moindre exhibition charnelle), c’est impensable : c’est, justement, quelle que soit la partie sur laquelle se focalise l’intention répressive, impensé.
En quoi la vision d’un homme qui bande, d’une femme foufoune à l’air, d’une fellation (ou, oui oui d’un cunnilingus, ça va sans dire mais pas pour les obsédé(e)s du rituel de la parité) constituerait plus « un manque de respect » (de qui ?) que celles quotidiennes de la misère, de l’incivilité, de l’avidité.
Qu’est-ce qui devrait plus susciter l’indignation, pour un humaniste rationnel et dégagé des préjugés de toutes confessions : une Femen seins à l’air, ou un clochard dormant (ou crevant) sous les pas des passants ?

« Ça n’a rien à voir » s’exclameront les bien-pensants qui préfèrent s’ignorer (je ne parle même pas des culs-bénits qui auront déjà brandi crucifix et fatwahs). « On peut très bien condamner l’un et l’autre »

Sauf qu’au quotidien, c’est l’un, et pas l’autre, qui déclenche les ires. Les dépôts de plainte, les indignations, sous d’autres latitudes les jets de vitriol et les lapidations. C’est l’un qui est légalement interdit, pas l’autre. On a les « respects » qu’on peut. Balancer une famille de crevards à la rue ; renvoyer à leurs famines et à leurs guerres civiles des clandestins ; mettre des populations au chômage pour « optimiser la rentabilité » ; etc, etc, ad nauseam : ça, c’est légal. Mais montrer son corps ! Oh non ! Ce serait insupportable ! On a les priorités qu’on veut.

Ça a à voir. Malgré tout. Si on veut bien se donner la peine de se poser la question.

Ce n’est peut-être pas un hasard si les religions répressives (les systèmes répressifs de façon générale : la société soviétique ne leur cédait en rien sur ce plan-là non plus) ont cette obsession « de la chose », font une fixette sur la zigounette, confondent sexe et diable, et voient avec angoisse toute femme (non voilée) comme une Eve tentatrice.

Pas une coïncidence non plus si l’athéisme, au XVIIe siècle, associe dans le même terme de « Libertinage » l’aspiration aux libertés de conscience et de concupiscence.

A l’inverse il serait chimérique de donner symétriquement au sexe et au corps une importance démesurée, particulièrement comme vecteur de libération. On voit mal pourquoi et comment la liberté de se promener à poil ou de s’envoyer en l’air protègerait magiquement des oppressions, encore moins de l’esprit même d’oppression (comme ont pu – ou voulu – le croire certains dans les années 60). Se balader la quéquette à l’air ne saurait constituer un certificat de liberté intellectuelle. Il y a de fausses libérations comme il y a de faux sens de la pudeur. Tartuffe est toujours un hypocrite : qu’il susurre « Cachez ce sein que je ne saurais voir », concupiscent honteux, ou qu’il clame « Exhibez ce sein que je ne saurais ne pas voir. » Les libertés obligatoires ne sont que des contraintes qui se travestissent. Une vertu proclamée, se prétendît-elle libertaire, est pour la galerie, et d’abord l’intérieure.

Mais enfin repenser la place du corps et du sexe (car c’est bien cette relation qui fait problème : le corps « sans sexe » - ou présenté comme tel -, il a droit de cité. Dans le sport, dans l’art, il lui est permis de s’exhiber – et aux spectateurs de se rincer l’œil en loucedé), s’interroger sur la légitimité rationnelle des interdits (ce qui ne revient pas à les rayer d’un trait de plume : arbitraires et répressifs, ils n’en remplissent pas moins des fonctions – on n’ouvre pas impunément la boîte de Pandore. Libérer le sexe, on le sait bien, c’est, littéralement, jouer avec le feu), revoir le mode de nos comportements, ça n’est déjà « pas si mal ».

L’interdit du corps et du sexe est à la fois le produit, le symptôme et une source des structures répressives de notre société. L’examiner, c’est faire apparaître des blocages plus profonds, mettre à jour et à nu des représentations aliénantes.
A commencer par celle de « l’amour ». Et de ce qui s’ensuit : le couple, le mariage, la famille. « Amour » construit, en couches historiques successives, du Christianisme obsédé de transcendance au Romantisme ivre d’absolu, par exemple, sur le mépris et la détestation du corps : plus « pur » s’il est chaste, plus vertueusement constitué de « sentiments » que de désir sexuel. Trajectoire intrinsèquement vouée à l’hypocrisie : parler d’amour, pour pouvoir le faire.

Honni soit qui sexe y pense, même « s’ils ne pensent qu’à ça » (et si le ça en question se révèlera parfois bien décevant : parce qu'il n’est pas que ça ; l’interpénétration ( !) du corporel et du psychique dans la complexe alchimie sexuelle est désormais une évidence pour ceux ont laissé de côté leurs peurs rances. Ce qu’ont depuis longtemps perçu certains mouvements religieux, que l’on pense au Tantrisme indien ou au Soufisme, où le divin et le sexuel ne s’excluent pas, mais au contraire s’atteignent l’un par l’autre. L’extase concerne l’un et l’autre plan.)

L’Amour est forcément Unique, comme la divinité imposée. Tu n’auras qu’un seul Dieu, et, en Occident du moins (depuis sa Christianisation), qu’une seule épouse. Une seule à la fois ; double impératif de l’unicité, temporelle et spatiale : sont également condamnés le fait d’avoir plus d’une femme dans sa vie – relations extra-conjugales – et dans le même lit … Pourquoi … ?
On comprend sans trop d’effort ce qui est « mal » dans le fait de tuer, de frapper quelqu'un, de lui voler quelque chose, de lui parler de façon injurieuse … La raison est la même : on lui fait du tort, c’est « mal » parce qu'on lui fait mal, qu’il le dit et que nous éprouverions nous-mêmes la même chose.

Mais se faire jouir … ? S’apporter du plaisir, de la joie ? Frotter ses peaux, là où ça fait du bien, la douceur, l’humanité des peaux ? La lumière des corps nus ? Comment peut-on être tordu au point de voir du « mal » là-dedans ? Quelle peur ou quelle haine faut-il avoir du plaisir et du corps pour ressentir comme sales des actes aussi magnifiques ?

Le sexe peut être sale, glauque, abject : n’en faisons pas à son tour un objet de culte. (la religiosité, l’attitude qui consiste à vénérer plutôt qu’à penser, discuter, interroger, se glisse vite partout, y compris dans l’irréligiosité – voir par exemple les grands-messes où communient les formations « d’extrême-gauche » …)
 Essentiellement quand il est contraint, forcé, quand il n’est pas réciproquement consenti, ou mieux, ardemment désiré par la totalité des participants (de un à l’infini …) Quand l’acte sexuel résulte de la contrainte : qu’elle soit physique (et psychologique bien sûr), dans le viol, mais aussi bien économique ou sociale … comme dans certaines situations du mariage, de la prostitution, voire de « séductions » ressenties d’abord comme libres mais procédant en réalité d’un ascendant social ou psychologique (la jeune naïve éblouie par les charmes frelatés du Séducteur à grosse voiture/situation prestigieuse/forte personnalité … – on veut bien croire que la réciproque existe aussi : je ne me soumettrai pas dans la singerie en vogue qui consiste à tout écrire rituellement en double (en triple ?) pour conjurer toute suspicion de sexisme ou d’homophobie ; mon énonciation est clairement masculine et hétéro, aisément transposable quand ça fait sens aux situations féminines et/ou ( ! « et-et-ou- ou ! », crie le hibou) homosexuelles. Bref, démerdez-vous. 

Le sexe, comme toutes les autres relations entre humains, peut être glauque et triste et dégueulasse. Il n’est pas en soi gage de bonheur ni de jouissance. Mais lorsqu’il est sale, il ne l’est pas en tant que sexe, parce que sexuel : il l’est comme toutes les sales relations qui peuvent se nouer, quand prévalent rapport de force et prédation. Dans le sale boulot qui enchaîne à son poste aliénant, dans la vie de couple et en famille quand elle tourne à l’ennui ou au conflit …

Aux prochains épisodes :

Ø  - aimer deux (trois) femmes (hommes : ne recommencez pas !) à la fois, c’est possible ?
Ø  Baiser comme on respire – les sex friends – l’utopie sexuelle
Ø  « Pourquoi » le sexe, le corps, « c’est mal » (l’enfer du décor : quels risques pour une sexualité libérée)
Ø  Les Naturistes, libres de leurs corps, vraiment ? L’imagerie : les faux-nez de la liberté sexuelle.