dimanche 17 février 2013

Rendez-vous à Petrograd






Son parfum m’a croisé tout à l’heure, dans le couloir étroit.
Regard de jais, pommettes hautes.
Je regagnais mon compartiment. Nous faisons route vers Petrograd ou, peut-être, Oulan-Bator.
Juste un regard, comme une confidence. Une frontière entraperçue.
Je revois sa toque de fourrure, en surimpression au reflet du paysage sur la vitre sale. Forêts, ourlées de neige, champs rectilignes et déserts, petits villages secrets happés par la vitesse routinière du convoi. Lieux traversés, où je n’irai jamais. A moins que mon inconnue ne s’y arrête. Il y a des inconnus à suivre. Sans savoir.
Je me lève, me faufile dans le couloir entre la cohue des passagers : il faut que je la retrouve, que je l’aperçoive encore, que je la voie mieux. Ses traits, ses cheveux, sa silhouette. Comme si soudain ma vie en dépendait.
Aucune trace d’elle. Je regagne ma place, et m’assoupis plus ou moins. Ces voyages d’affaires sont interminables et fastidieux. Comme la vie. Passée à courir d’une signature de contrat juteux à une autre. Les investissements reprennent à l’est de l’Europe …
Le train ralentit, une gare, au nom interminable, plein de consonnes.
On s’arrête.
Une foule attend pour embarquer, quelques femmes aux traits épais, quelques hommes  au gabarit robuste.
Je me penche : va-t-elle descendre ?
J’essaie d’apercevoir la fourrure beige de son manteau. Me précipiter et quitter le train moi aussi ? Folie. On m’attend à Petrograd. Réunions sérieuses avec des hommes d’affaires sans imagination, cocktails de réception, repas aux libations sans joie, gaieté de commande … Folie plus grande encore.
Je nettoie de la main une portion de la vitre crasseuse. Il m’a semblé reconnaître le mouvement sensuel de sa démarche, avant que ne l’engloutisse la masse bruyante des villageois ! Je saisis ma valise, me fraie un passage à coups de « Pardon ! Pardon ! », réussis à descendre du wagon à contre-courant de ceux qui veulent à tout prix y monter. Petrograd attendra, j’ai un autre train ce soir, les petits fours se commenceront sans moi …
Le parvis de la gare est étrangement désert, après la cohue du quai. Quelques carrioles attendent l’hypothétique voyageur à qui viendrait la lubie de descendre à … quoi, déjà ? Je ne connais même pas le nom de la bourgade !
Peu importe. Elle y est descendue, elle. Est-ce ici qu’elle habite ? Peu probable, son élégance s’accorde mal avec cette campagne reculée. Une visite dans la famille, peut-être ?
Ou un amant … ?
Un cocher s’approche obséquieusement et tente de me convaincre de lui abandonner ma valise. Je rassemble mes bribes de russe, j’essaie de lui faire comprendre ma question : a-t-il vu une jeune femme quitter la gare, a-t-elle pris la carriole d’un de ses collègues, dans quelle direction est-elle partie ?
Il acquiesce, m’assomme d’affirmations véhémentes et inintelligibles, je grimpe derrière lui dans le véhicule inconfortable, qui s’ébranle en grinçant après qu’il a fait claquer son fouet au-dessus du vieux cheval pommelé. Nous sortons de la ville. Le froid me coupe presque le souffle, gèle ma respiration.
(à suivre …)

Wadjda





un film subtil dans et sur un pays qu'on voit rarement à l'écran : l'Arabie Saoudite. Sur les pas d'une jeune fille attachante, on découvre en douceur le statut des femmes saoudiennes et quelques aspects quotidiens du pays, loin des clichés ou des imprécations, avec un humour souriant qui nous invite à réfléchir aux contraintes imposées aux femmes ... arabes, mais aussi occidentales !

samedi 16 février 2013

Ça ou ça







J’aime la rosée au bout ultime de la feuille
                                               Je n’aime pas la touffeur de la nuit
                                               l’épuisement livide des trottoirs
                                               les flots pâteux des voitures
J’aime le silence, âcre, d’une forêt
ces arbres qui pensent en silence
et le souffle, doux, du vent
                                               Je n’aime pas l’arête vive des rambardes
de métal coupant qui délimitent les rues de la ville
J’aime le son nacré de l’épinette
                                               Je n’aime pas l’abondance repue des restaurants clinquants
                                               l’arrogance bruyante des convives endimanchés
J’aime le soir
et ses promesses
et j’aime l’aube.

breloque ou voyage





A toi le bijou de mon attente
 breloque ou voyage
Souvenirs de camées
d’émeraude
Traverses
la voie s’étire le
chuintement furtif
l’émeraude brille à la nuit
Voyage
le rythme syncopé du wagon sur les traverses
le souvenir
s’étire
ton
visage

dimanche 10 février 2013

Le chant du sabre





                       Vague d'Orient
                        perle du désert
                        souffle de vent
                        Sabre d'éclair.
                                               Virtuosité du néant
                                               Vertige circulaire du silence.
                        L'ondulation lente de la femme,
                        voilée de charmes,
                        Ses pieds foulent le sable
                                               Et je hume,
                                               âcre supplice
                                               les parfums de sa peau.
                        Dans l'aube tiède et bleue
                        les coupoles et les dômes des mosquées
                        s'abandonnent au fil des temps du sable
                                               Et sa chair m'étourdit
                                               d'un étonnant bonheur
                        Et je tourne je tourne au sein de ma langueur
                        du vertueux vertige de ma contemplation
                                               chaste concupiscence
                                               et désir de tiédeur.
                        Prière de l'eau, prière du feu
                        Dévorateur,
                        J'imagine la fée qui viendra,
                        ô fée !
                        Demain la fée, je verrai la fée ! chantonne l'enfant perdu
                        aux ombres qui passent
                                               et se déploie l'espace des rêves dévoilés.

Kinan Azmeh (ethno-jazz)

Kinan Azmeh clarinette
Basel Rajoub saxophone
Feras Charestan qanûn
Jasser Haj Youssef Violon, viola d'amore
Khaled Yassine percussions


chouette concert, doux, prenant : beauté des sons qui convaincrait peut-être les derniers imbéciles (encore nombreux !) à croire au "choc des civilisations" qu'il n'existe que le Choc de la civilisation, l'émerveillement que savent créer les hommes, et partager ...
beau son. la caresse veloutée de cette clarinette. sans fin