mardi 30 novembre 2021

Big Brother is coming (sur un article de Reporterre) : Saint QR Code, priez pour nous !

 

QR code : toujours sous l’œil de l’État

Gaspard d’Allens (Reporterre), 27/11/2021

 https://reporterre.net/QR-code-toujours-sous-l-oeil-de-l-Etat?utm_source=newsletter&utm_medium=email&utm_campaign=nl_quotidienne

 

Intéressant article : de quoi "QR code" est-il le nom, ou le symptôme, ou le commencement ...?
Paradoxe : le "contrôle total", fantasmé par les théories complotistes à propos des vaccins (et leurs "puces 4G" ...), se profile peut-être (voir les exemples en Chine de surveillance des populations !) au vu et au su de tous, comme un jeu : joyeusement, je scanne, tu scannes, nous scannons ...
C'est une tendance historique forte : la soumission des populations s'est souvent faite avec leur participation, leur approbation (d'abord), voire leur adhésion enthousiaste. Aujourd'hui, séductions de la technologie !... 

Nouvel avatar de la « servitude volontaire », mise en évidence par La Boétie au XVIe siècle : l’idée, paradoxale, que nous contribuons à établir les dominations dont nous nous plaignons (et que nous combattons, par ailleurs).

Une part de nous (et une partie d’entre nous plus encore) aime le « contrôle », le souhaite, le réclame : celui des autres, d’abord et surtout, des comportements déviants, de toutes ces altérités bizarres dont nous ne comprenons pas l’intérêt, ces pratiques qui nous dérangent, nous choquent : « il est temps d’y mettre bon ordre ». Que fait la police ?

Les « marginaux », les étrangers, bien sûr, avec leurs coutumes pas coutumières, tous les pas comme nous sont suspects, suspectables de malveillance, d’en vouloir à notre intégrité, à nos biens, à nos femmes, peut-être !

Alors, contrôle ! Vos papiers, s’il vous plaît ! Ça ne date pas du passe sanitaire, devancé par le passe port (on ne sort pas sans montrer patte blanche), la carte d’identité (vous êtes qui, vous ?), permis de (se) conduire, papiers du véhicule, certificat d’immatriculation, de propriété, de bonne moralité … On est fichés : on est fichus. Alors, le QR code (Priez pour nous !), pensez ! Le Graal du Saint Contrôle, plus de risques qu’il y ait des infiltrés, avec leurs barbes et leur kalachnikov, des contaminés pleins de postillons, des immigrés aux appétits insatiables, sous prétexte qu’ils n’ont rien à becqueter. Plus de tire-au-flanc abusant des « aides sociales », au lieu de « se lever tôt » pour « traverser la rue et trouver du boulot ». Plus de rôdeurs aux intentions glauques, suintant de désirs illégitimes : z’avez recueilli le Consentement Explicite, avant de concupiscer … ?

C’est pas d’aujourd'hui : les braves gens, les gens (de) bien, les gens normaux, ne doutent pas qu’il y ait des âges légaux, des substances autorisées, des comportements légitimes, des modes de vie sains et vertueux, des fréquentations recommandables, des propos vertueux, des œuvres édifiantes, des activités dignes d’intérêts …

Les leurs. Les autres, par définition, par soustraction, de toute évidence, sans faire de politique, ni la morale, on peut pas non plus accepter tout et n’importe quoi : va falloir que ça cesse.

Alors, contrôlez-moi tout ça ! Et embarquez tout ce qu’est pas conforme, aux normes, dans les clous : surveillance !

Si un mystérieux labyrinthe noir sur un bout de papier peut faire ça tout seul, avec un nom tout magique vu qu’on le comprend pas (« QR code », ça a des parfums de « Da Vinci code »… .Ça veut rien dire mais ça mélange le Pouvoir de la langue américaine aux paillettes de la célébrité, donc c’est automatiquement sexy), c’est le triomphe de la technologie, là où elle rejoint la magie des anciens contes, comme les portes qui coulissent devant nous, les lumières qui s’allument toutes seules, les objets qui parlent, les voitures qui bougent sans qu’on les conduise : ça se fait sans nous, sans qu’on ait besoin d’agir : suffit juste de le souhaiter, nous vivons un conte de fées, « Jolie table, couvre-toi de mets succulents ! » …

Ça se fait tout seul, donc c’est pas nous : on peut pas être tenus pour responsables, si ça merde, si ça dérape, si ça saigne un peu, si ça reconduit aux frontières jusqu'à la misère et aux machettes assassines, si ça entasse les indésirables dans des dépotoirs reculés :

Le QR code, c’est un rêve de gamin exaucé : de consommateur en (et de) série qui n’a pas très envie qu’on lui gâche son plaisir en spécifiant sur l’étiquette combien de gamins il a fallu esclavagiser en Afrique ou en Asie pour lui livrer à temps son joujou flambant neuf, son bijou technologique hors de prix qui proclame à quel point il est dans le coup, tendance, à la page : du côté des Winners.

C’est le cauchemar, devenu réalité, dont on se réveille, pour découvrir qu’on est dedans.

lundi 22 novembre 2021

Le genou de Claire

 

Non, Claire est pas à Angresse, aujourd'hui (elle devait venir ?), pas vu Claire, en sortant de ma grotte, hibou chou caillou, yeux clignotant au soleil absent, soleil timide comme Le genou de Claire, d’ailleurs j’ai jamais connu de Claire (j’ai pas fait tous les seins). Claire pas sur Angresse, ni moi sur Claire, c’est dommage

Ils ont entrouvert la cage, aujourd'hui, moi, je me méfie, p’têt qu’ils nous attendent à quelques mètres, vont nous tirer comme des perdrix. Le soleil attendait mon lever pour paraître, question de préséances, le voici, qui se prépare pour ses 20 km, pas une année-lumière de plus, il s’échauffe, en jogging, ça va, pour courir le long de la plage, en bord de mer le soleil est plus décontracté. Je vais lui emboîter le pas. Dûment muni de mon papier à rallonge, « Aviss à la population !! », on plaisante pas avec le garde-champêtre, bientôt nous porterons des pyjamas rayés, en toutes circonstances

M’en fous : me retrouve en haut d’un nouveau jour à dévaler, qu’est-ce que je pourrais bien en faire, enfer, j’aurais comme une envie de montagne, mais ça dépasse la distance allouée, j’aurais eu comme une envie de communauté comme celle qu’on évoque dans les textes, justement il passe une variation de Pink Floyd, ça me fait voir des filles en sourires sur l’herbe seins nus, mais ça va dépasser largement la distance du reconstituable, alors qu’est-ce qu’il reste ? Ils sont tous là comme des bandes de cons, à faire leurs courses et montrer la papatte, bien polis et propres sur eux, rien de bien passionnant à dire ni à faire : je sais pas si c’est parce que j’ai 20 ans ou les cheveux longs, mais tous ces pékins me débectent, m’agace leur conformité sans relief, des automates. Je te balancerais une rafale de guitare électrique dans tout ça !

J’ai pas vu Claire de la journée, mais peut-être qu’elle va se pointer, et le jour, et l’aurore

mercredi 27 octobre 2021

Illusions perdues, de Giannoli

 

 


 

 

 

Beaucoup aimé, trouvé éblouissant, tonique, jubilatoire : cruel et drôle. L'art de la formule, tant dans le texte de Balzac que dans les dialogues.

Bassesses ordinaires, férocité des égoïsmes : tableau cru de la jungle humaine, en ce début de XIXe siècle ambitieux et arriviste : terriblement annonciateur du nôtre, mêmes appétits carnassiers, tout est bon pour "faire de l'argent", mettre à sa botte. Mêmes vertiges à propager des élucubrations, à repeindre l'information à la sauce de ses intérêts.

L'Humanité nue, dévoilée de ses prétentions morales, bien-pensantes : bal joyeux des mascarades de noblesse et générosité : car c’est joyeux, aucune mortification, grâce à l’abattage endiablé des acteurs, Vincent Lacoste en tête.

Un vrai régal !

lundi 18 octobre 2021

Julie (en 12 chapitres), de Joachim Trier

 

Julie (en 12 chapitres)
          

Chouette, tonique, sensible, joyeux, juste, intelligent, riche, stimulant : les questions de la vie, quelques-unes (pas mal), à 30 et quelques années (ou autre), quand on est une femme (ou autre). Les « choix », les bons choix, les mauvais, les expériences, les conséquences … Tout un film, toute une vie.


 

vendredi 18 juin 2021

La maison de Rameau

 

                Ce calme. L’espace apaisé.

                Vieille bâtisse aux murs lourds.

                L’arbre au tronc épais comme le temps.

                Le ciel des nuages, à loisir.

                Léger surplomb, modeste, pour dominer les cimes.

                Maison vigie, promontoire au centre de l’océan d’arbres.

                Loin du monde.

                Sur la route des montagnes, regard tourné vers les sommets, invisibles au regard, qu’on 

                 imagine, comme une promesse.

                Rester, là.

                 A ne rien faire.

                A feindre une écriture.

                Le temps figé. Immémoriel, comme les racines, comme les sources.

                Il n’importe pas.

                Rien ne bouge. Rien  ne change.

                Au bas des collines, l’histoire déferle, ressac insignifiant.

    Des troupes de guerriers ont sillonné ces forêts. Des chevaliers.

                Sans y marquer leur trace. C’est un monde de bergers, et de laboureurs courbés sur la terre.

                La maison tient le temps immobile autour d’elle.

                La vue porte loin. Rien ne la brise.

                Une rose légère se balance au vent.

                C’est un monde d’ignorance et de sagesse.