QR code : toujours sous l’œil de l’État
https://reporterre.net/QR-code-toujours-sous-l-oeil-de-l-Etat?utm_source=newsletter&utm_medium=email&utm_campaign=nl_quotidienne
Intéressant article : de quoi "QR code" est-il le nom, ou le symptôme, ou le commencement ...?
Paradoxe : le "contrôle total", fantasmé par les théories complotistes à propos des vaccins (et leurs "puces 4G" ...), se profile peut-être (voir les exemples en Chine de surveillance des populations !) au vu et au su de tous, comme un jeu : joyeusement, je scanne, tu scannes, nous scannons ...
C'est une tendance historique forte : la soumission des populations s'est souvent faite avec leur participation, leur approbation (d'abord), voire leur adhésion enthousiaste. Aujourd'hui, séductions de la technologie !...
Nouvel avatar de la « servitude
volontaire », mise en évidence par La Boétie au XVIe siècle : l’idée,
paradoxale, que nous contribuons à établir les dominations dont nous nous plaignons
(et que nous combattons, par ailleurs).
Une part de nous (et une partie d’entre
nous plus encore) aime le « contrôle », le souhaite, le réclame :
celui des autres, d’abord et surtout,
des comportements déviants, de toutes
ces altérités bizarres dont nous ne comprenons pas l’intérêt, ces pratiques qui
nous dérangent, nous choquent : « il est temps d’y mettre bon ordre ».
Que fait la police ?
Les « marginaux », les
étrangers, bien sûr, avec leurs coutumes pas coutumières, tous les pas comme nous
sont suspects, suspectables de malveillance, d’en vouloir à notre intégrité, à
nos biens, à nos femmes, peut-être !
Alors, contrôle ! Vos
papiers, s’il vous plaît ! Ça ne date pas du passe sanitaire, devancé par
le passe port (on ne sort pas sans montrer patte blanche), la carte d’identité
(vous êtes qui, vous ?), permis de (se) conduire, papiers du véhicule,
certificat d’immatriculation, de propriété, de bonne moralité … On est fichés :
on est fichus. Alors, le QR code (Priez pour nous !), pensez ! Le
Graal du Saint Contrôle, plus de risques qu’il y ait des infiltrés, avec leurs
barbes et leur kalachnikov, des contaminés pleins de postillons, des immigrés aux
appétits insatiables, sous prétexte qu’ils n’ont rien à becqueter. Plus de
tire-au-flanc abusant des « aides sociales », au lieu de « se
lever tôt » pour « traverser la rue et trouver du boulot ». Plus
de rôdeurs aux intentions glauques, suintant de désirs illégitimes : z’avez
recueilli le Consentement Explicite, avant de concupiscer … ?
C’est pas d’aujourd'hui :
les braves gens, les gens (de) bien, les gens normaux, ne doutent pas qu’il y
ait des âges légaux, des substances autorisées, des comportements légitimes,
des modes de vie sains et vertueux, des fréquentations recommandables, des
propos vertueux, des œuvres édifiantes, des activités dignes d’intérêts …
Les leurs. Les autres, par
définition, par soustraction, de toute évidence, sans faire de politique, ni la morale, on peut pas non plus
accepter tout et n’importe quoi : va falloir que ça cesse.
Alors, contrôlez-moi tout ça !
Et embarquez tout ce qu’est pas conforme, aux normes, dans les clous :
surveillance !
Si un mystérieux labyrinthe noir
sur un bout de papier peut faire ça tout seul, avec un nom tout magique vu qu’on
le comprend pas (« QR code », ça a des parfums de « Da Vinci
code »… .Ça veut rien dire mais ça mélange le Pouvoir de la langue
américaine aux paillettes de la célébrité, donc c’est automatiquement sexy), c’est
le triomphe de la technologie, là où elle rejoint la magie des anciens contes, comme
les portes qui coulissent devant nous, les lumières qui s’allument toutes
seules, les objets qui parlent, les voitures qui bougent sans qu’on les
conduise : ça se fait sans nous, sans
qu’on ait besoin d’agir : suffit juste de le souhaiter, nous vivons un conte de fées, « Jolie table,
couvre-toi de mets succulents ! » …
Ça se fait tout seul, donc c’est pas nous :
on peut pas être tenus pour responsables, si ça merde, si ça dérape, si ça saigne
un peu, si ça reconduit aux frontières jusqu'à la misère et aux machettes
assassines, si ça entasse les indésirables dans des dépotoirs reculés :
Le QR code, c’est un rêve de
gamin exaucé : de consommateur en (et de) série qui n’a pas très envie qu’on
lui gâche son plaisir en spécifiant sur l’étiquette combien de gamins il a
fallu esclavagiser en Afrique ou en Asie pour lui livrer à temps son joujou
flambant neuf, son bijou technologique hors de prix qui proclame à quel point
il est dans le coup, tendance, à la page : du côté des Winners.
C’est le cauchemar, devenu
réalité, dont on se réveille, pour découvrir qu’on est dedans.