écritures, gamberges, perplexités, fourvoiements, réactions, montées au filet, montées en température, descentes aux envers, escalades à cloche-pied ... explorations ...
mercredi 13 novembre 2013
Gravity
Lourd !
Qu'ont bien pu trouver les critiques à ce film ?
Quelques "belles images" de l'espace ; quelques bons moments du scénario, essentiellement dus aux interventions drôlatiques de G. Clooney ...
Pour le reste, du déjà vu 100 fois dans le cinéma américain : une grosse dose de film-catastrophe (ça explose à tout va, les chutes d'immeubles sont juste remplacées par celles des stations orbitales .... Curieux comme les cinéastes américains ont ce besoin compulsif de tout faire péter, comme des gamins de 5 ans avec leurs jouets !), un scénario minimal (en même temps, une capsule spatiale, ça limite les possibilités ...), les péripéties up and down attendues, prévisibles de ce genre d'histoires ("va-t-elle y arriver ...?") ... Et (attention : claustrophobes s'abstenir !) plein de scènes pénibles à supporter : c'est décidé, l'espace, je n'irai pas.
Bon, oui, l'allégorie (bien américaine elle aussi) maintes fois mise en scène de la-tentation-dépressive-qu'il-faut-savoir-combattre, les p'tits gars ... Mettez-moi à la place un bon Kubrick, ou un Clint Eastwood bien tassé !
samedi 9 novembre 2013
Homme assis au bord d'un rectangle de lumière
Il n’aurait pas dû la faire
monter.
Rumine. Bougon. Même pas barbu,
non. Déjà vieux. Ronchon. Cloporte qui claudique entre quatre murs. Bientôt entre
quatre planches.
Il fixe le rectangle de lumière
sur le plancher.
Comme s’il cherchait à y
apercevoir.
Quoi ?
Il ne sait pas. Il ne se rappelle
pas.
Il l’a vue dans l’embrasure de sa
porte. Elle attendait. Qui ? Pas lui, en tout cas. Elle ne lui a pas fait
signe. Il l’a regardée, honteux quand même, ses gros seins dans l’échancrure de
sa robe rouge, robe de stupre, souliers à talons ridicules sous ses gros
mollets, il ne l’a pas trouvée belle.
Elle ne lui a pas plu. Elle le
regardait approcher, mâchant son chewing-gum. C’est peut-être pour ça qu’il l’a
accostée, qu’ils ont mécaniquement négocié la passe, si elle avait été belle,
comme une femme qu’on rêve, comme une de ces créatures au cinéma, il n’aurait
pas osé, peur qu’elle dérange l’ordonnancement de laideur de sa chambre.
Elle ronfle, les fesses à l’air. Ça
ne leur a pas plu ni à l’un ni à l’autre.
Qu’est-ce qu’il va en faire,
maintenant ? il croyait que les putes, leur ouvrage terminé, ça se
rhabillait et ça filait en vitesse faire un autre client. En tout cas c’est
comme ça qu’elles font dans les films.
Il va souvent au cinéma. Voir les
putes, jamais. Qu’est-ce qui lui a pris ? Qu’est-ce qu’il croyait ?
Il est sorti comme ça, histoire
de sortir, tout en sachant que ce serait pareil dehors que dedans, le même
ennui, mais plus bruyant.
Il est parti s’acheter quelque
chose à manger, une boîte, quelque chose, dans une épicerie, quelque part où il
n’aurait pas à parler. Et c’est une pute qu’il a ramenée.
Elle dort et elle a le dessous
des pieds sale. Elle prend tout le canapé ; il n’a nulle part ailleurs où
s’assoir. Qu’est-ce qu’il va en faire ?
Il la regarde, de dos. Sa nuque.
Il pourrait la tuer. Ce serait facile. Il y a un mince filet de vie qui glisse
sous les vertèbres. Il suffirait d’appuyer, fort, un coup sec, peut-être avec les
deux mains, et ce serait fini. C’est fragile, une vie, et ça ne sert à rien.
C’est une idée stupide. Ce serait
pire. La foule, les cris, les curieux qui se presseraient sur le seuil, pour
apercevoir un bout du spectacle effarant, un corps dont est sortie la vie,
presque pas différent d’un corps vivant, mais pourtant définitivement
dissemblable. C’est drôle comme on fait tout une histoire d’une vie, quand elle
a cessé ; vivante, cette pute n’aurait intéressé personne ; lui non
plus. Personne ; On fait semblant. Il y a les conventions, le simulacre du
respect appris. Mais en réalité, rien.
Les flics. Il y aurait les flics
et leurs questions, les gyrophares, tout ce bruit, toute cette agitation. Ce
serait pire ; Les questions, une mitraille de questions. Les gens veulent
comprendre, ils aiment croire qu’ils comprennent, ils exigent des réponses, des
explications, s’imaginer qu’eux ne sont pas comme ça, qu’ils n’auraient pas
fait ça, ils ont besoin de se fabriquer leur fable, que tout soit en ordre.
Il fixe le rectangle de lumière
sur le sol et il ne discerne rien.
mercredi 6 novembre 2013
La Stratégie d'Ender : quelle adaptation ?
Espoirs
et craintes : l'adaptation au cinéma d'un magnifique roman de
science-fiction (d'Orson Scott Card). La machine Hollywood (les
impératifs du commerce de masse) pourra-t-elle épargner la subtilité du
roman ? Ou, comme bien souvent, ne va-t-elle produire qu'un blockbuster
épais et lourdingue, aux effets bien lourds ? (type "Guerre des
étoiles", le space-opera livré avec smileys ...)
A voir ...
A voir ...
Eh bien, c'est vu ! Et bien vu.
Excellent ! Malgré mes craintes (adapter le subtil roman d'Orson Scott
Card risquait de donner un pénible blockbuster à gros effets spéciaux
...), j'ai apprécié cette variation virtuose sur l'un des thèmes majeurs
du romancier, celui de "l'Autre" (la Science-Fiction se prête
particulièrement bien à ce genre d'allégorie).
Les acteurs
sont impeccables, y compris tous ces adolescents dont on pouvait
redouter le pire (la niaiserie à l'américaine) ; les effets visuels sont
ingénieux, spectaculaires mais pas envahissants ; surtout, le film
illustre la philosophie de Scott Card (les spectateurs qui n'en ont pas
la lecture risquent de passer à côté de son intérêt : ce qu'oublient
ceux qui ont le sarcasme automatique et le mépris rapide, c'est qu'on
apprécie une oeuvre en fonction de ce qu'on a auparavant acquis, ou pas
...) : le rapport complexe, antagonique et complémentaire à la fois,
entre "soi" et "l'autre" ("l'ennemi" !) ; la tension entre autorité et
identité, contrôle de soi et réactions primaires ; et le statut du père
(un Harrison Ford juste en figure de substitution), souvent interrogé,
souvent défaillant d'ailleurs, dans l'oeuvre du romancier.
Prisoners, de Denis Villeneuve
film
de Denis Villeneuve (il avait fait le superbe "Incendie"). Fort, dense.
Réalisation et jeu impeccables et implacables. Quelques images pas
faciles à supporter, mais ce n'est pas gratuit.
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