mardi 2 décembre 2025

Stratégies de la lutte

 

En fait, il est probable que la question première, c'est : "que faire ?" (ou "qu'y faire ?"). Qui entraîne la question seconde : "à quoi ?"

Et c'est là que se déploient nos idiosyncrasies : la diversité commune de ce qui nous différencie et rassemble : le « à quoi » nous avons à faire : ce qui nous fait problème et que nous voudrions changer, améliorer, ce qui nous importe.

Notre « problème » majeur, à un instant donné. Qu’il faut commencer par identifier, définir, caractériser, décomposer. Ce n’est pas forcément ce qui semble poser problème qui est le problème.

Trouver, ensuite, des stratégies. Evaluer leur « rendement » : les améliorations qu’il est plausible qu’elles produisent, par rapport à leurs « coûts », aux nuisances qu’elles vont engendrer.

Et la question de l’autre, dans cette recherche, c’est celle de son statut, de son rôle. Etranger et indifférent à notre problème, le plus souvent, sera-t-il simplement « neutre », sans incidence ? Ou, lié à nous par une sympathie (de quelles nature et intensité), peut-il nous apporter une aide, ne fût-ce que celle de l’écoute, voire d’un avis ? Voire, cas rares, confronté aux mêmes obstacles, sera-t-il un allié, un partenaire d’action ? Ou, enfin, motivé par des intérêts contraires, le trouverons-nous en situation d’adversaire ?

Il n’est pas si simple d’identifier « quel est le problème », ce que nous avons à résoudre, combattre, modifier, à un moment donné, d’autant que plusieurs problèmes peuvent sembler nous assaillir en même temps. C’est une recherche diagnostique qui peut passer par un examen des symptômes : là où nous gêne, là où ça manque : fait souffrir, dérange, ne nous convient pas, etc.

Parfois, ce ne sera pas là que le problème prend sa source. Il faudra en remonter le cours. Parfois même, « il n’y a pas de problème », ou le problème, c’est qu’on croie qu’il en existe un, mais pour le comprendre, pour en dissiper l’illusion, il faudra comprendre d’où nous vient cette croyance. Et à quoi elle nous sert, en quoi elle nous profite, aussi.

La mise en commun de ce qui se joue au profond de nous, le « partage », me paraît une stratégie « politique » efficiente et efficace. On ne parle jamais « que de soi », ni « que du monde ».

Nous parlons toujours « de la souffrance », de tout ce qui nous fait souffrir, nous manque, nous pèse : et c’est révolution.

 

  1. Ma difficulté est de penser ce questionnement en-dehors d’une situation concrète, « réelle » (ou hypothétiquement réelle). En quoi ces distinctions influeraient sur mes décisions ? Non pas morales, puisque tu sais que ce n’est pas une dimension que je juge pertinente, mais mes décisions dans la vie quotidienne, ou politiques, ou relationnelles. Je pense en « sauvage » : si je trouve une pierre ou un bout de bois, ce qui m’importe c’est de savoir à quoi ils pourraient me servir : quels problèmes que j’aurais pourraient être résolus grâce à l’usage de ces instruments. Il me semble que les concepts « ne sont que » des outils : et que, s’ils prétendent le contraire, c’est qu’ils servent une cause qu’on cherche à dissimuler (par exemple : l’idée-outil de Dieu ne sert qu’à combler un vide existentiel, à rassurer notre avidité de « savoir », à produire un récit « explicatif » là où on ne sait pas (un mythe), et à manipuler la volonté des autres.
  2. C’est pourquoi je posais en préalable la détermination de nos problèmes : des désagréments qu’on veut réduire. C’est pour les combattre qu’on va élaborer une pensée. On a intérêt à ce que les questions précèdent les réponses. Lorsque la philosophie prétend raisonner hors des problèmes (des « vrais problèmes » : ceux qui nous pèsent, pas les questions « métaphysiques qu’un esprit oisif (dans un corps rassasié) peut s’inventer, et qui sont « sans fin » : sans terme parce que sans but), je la suspecte de servir à autre chose. On pourrait évidemment arguer que, pour quelqu'un d’autre, savoir si l’âme est immortelle est un vrai problème, que la question le taraude. Mais je n’y vois qu’un leurre : si quelqu'un croit que c’est là un vrai problème pour lui, je fais l’hypothèse que c’est parce que d’autres ont le soin de régler à sa place des urgences plus concrètes (que, moine, des serfs labourent la terre pour lui. Et que, vivant « retiré », voué définitivement à la Règle de Saint-Benoît, et cloîtré dans son vœu de chasteté, il n’a pas besoin de penser les relations sociales ni relationnelles.

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