lundi 22 janvier 2024

Le regard de l’enfant

 

(« Par à-coups éclairés, les cheveux de Maman semblaient trempés dans l’or : la petite ne pouvait s’empêcher de les regarder, comme en état d’hypnose. »)

Comme un halo autour de sa tête. Un brouillard de fils d’or. Un ballet de lucioles. Et ses yeux bleus, toute douceur, rien que pour elle. Rien que d’amour. Maman était une créature divine, née du ciel, descendue du ciel pour elle, et son sourire. On ne pouvait avoir envie de rien d’autre que de son sourire. Quand son sourire s’entrouvrait, le monde s’illuminait. Cessait d’être rempli d’ombres, inquiétant de menaces, inconnu, trop grand. Le sourire de Maman dissipait toutes les ombres, remettait tout à sa place, faisait le monde juste comme il doit être, bien rangé, bienveillant, comme sa chambre avec ses poupées gentiment alignées autour du jeu de marchande. Le sourire de Maman. Sa voix dorée, quand elle disait une parole de louange, ou d’encouragement, et ça devenait d’un coup facile, ce qu’on n’arrivait pas à faire, la voix de Maman, grave et douce, transformait l’impossible en facile, hop, les objets et tout le reste se mettaient à lui obéir, sa voix de Princesse.

Elle suit la ligne claire du nez, le creux des lèvres, le cou, qui sépare l’air en deux.

Jusqu'à une petite tache, en bas du cou, au creux, un petit mystère, caché de tous, qu’elle ne se lasse pas de redécouvrir. Maman dit une fantaisie de jeunesse, et elle rit, son regard brille un peu plus. C’est un petit dessin très joli, et très petit. Presque rien, on pourrait croire à un grain de beauté, à une concentration du grain de la peau très fine : ça fait comme deux petites gouttes, qui tomberaient vers le haut, avec des ailes, quand Maman bouge l’épaule on croirait qu’elles se mettent à voler, c’est son petit secret, l’étoffe de son corsage le dissimule. Elle adore dévaler le cou de Maman de baisers, repousser un peu le tissu, comme par mégarde, et découvrir encore le mystère de ces petites bulles d’encre, s’extasier qu’elles soient encore là, qu’elles ne se soient pas encore envolées, qu’elles se soient envolées mais qu’elles soient encore là.

Maman est ce qu’il y a de plus important dans le monde. Et elle sait qu’elle aussi, elle est importante : parce que c’est Maman qui l’a faite.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Ami visiteur, je lirai avec intérêt vos commentaires ...