Au début, entre les mots et moi, ce fut ... je ne sais pas. Ça sortait. C’était une sueur, à la surface indécise de l’âme. Il n’y avait pas les mots et moi, les mots et moi c’était pareil, de la substance qui s’écoulait, un souffle exhalé à la rencontre des autres, sana y penser. Les mots caracolent, sans que j’y pense, jouent à cache-cache, font irruption, se déguisent, fanfaronnent, s’amenuisent ...
De mon écriture, on disait qu’elle était surprenante, précoce, inquiétante (ma grand-mère me craignait fou), envahissante, aberrante. Quand elle n’était que la vie qui court dans les veines. Une tentative pour résoudre l’énigme : le dedans et le dehors. Ce n’est pas si simple.
Les signes griffent la surface de l’apparence. Invocations, incantations. Ce qui est étonnant, c’est que certains aient si peu besoin des mots pour être. Comme si le monde, leur présence au monde, étaient évidentes. Allaient de soi, nul besoin de dire. Leurs mains creusent la terre, et en font naître les moissons. Leurs doigts cousent et recousent, penchés sur le labeur. Le mot est tout au plus aiguille, marteau, scalpel, pioche : il n’a pas de fin en soi.
Le mot pour héler. Ce qui se passe ensuite a-t-il besoin de paroles ?
Ecrire, pour creuser l’énigme. Scruter les entrailles. Certitude (illusion ?) qu’il y a autre chose, à découvrir, à mettre au jour. On écrit parce qu’on ne sait pas ce qu’on a à écrire. Parce qu’il manque quelque chose, qu’on ne sait pas nommer. Celui qui ne manque pas n’a pas besoin d’écrire. Il boit, et sa soif est étanchée. Il dort, et son âme est apaisée. Il rit, et le monde est en fête.
Le mot serait l’exorcisme de celui qui doute. Ou la conjuration. Il y a des mots pour qu’il advienne, et des mots pour tenir à distance. Ce sont peut-être les mêmes.
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