écritures, gamberges, perplexités, fourvoiements, réactions, montées au filet, montées en température, descentes aux envers, escalades à cloche-pied ... explorations ...
mardi 17 décembre 2013
The Lunchbox
Délicatesse et sensibilité. Bombay aujourd'hui. Deux êtres. L'Inde. La foule et les klaxons. La solitude. La découverte.
Une histoire pittoresque et universelle.
L'infinie signifiance des petits détails.
"Non les braves gens n'aiment pas qu'on suive une autre route qu'eux" ... (l'increvable fantasme de l'intégration)
Il ne s’agit pas de critiquer
toute personne ayant une opinion différente, mais de réagir à toute opinion qui
me paraît non seulement fausse mais surtout redoutable … et d’autant plus
qu’elle est martelée en boucle par certains camps politiques et jusque sur les
réseaux sociaux : il n’est jamais inutile de rappeler l’histoire et de
privilégier les approches anthropologiques.
L’origine de l’auteur ne constitue pas un argument en soi, encore moins une caution : pas plus que l’éventuelle présence d’Arabes voire de juifs au FN …
L’origine de l’auteur ne constitue pas un argument en soi, encore moins une caution : pas plus que l’éventuelle présence d’Arabes voire de juifs au FN …
Mais sans arrêt hurler au
« danger communautariste » ne fait que propager une islamophobie
rampante et fantasmatique : le principal « communautarisme » en
France, c’est celui des Catholiques qui persistent, malgré cinq révolutions, à
essayer d’imposer leurs croyances étriquées, comme dans leur résistance d’un
autre âge à l’extension du droit au mariage aux homosexuels (ou, en Italie, le
bourrage de crâne hélas efficace du Vatican pour dissuader les gynécologues de
pratiquer les IVG pourtant inscrites dans la loi …)
La notion d’une « identité
française », quand il ne s’agit pas des « racines chrétiennes »
(l’arrogance de ces gens-là !) relève d’un délire de rejet de l’altérité
(n’inversons pas les rôles !) qui méconnaît l’histoire d’un pays dont le
nom est germanique (« Francs »), la langue latine (et bien
d’autres : ouvrez un dico étymologique !), les chiffres arabes, la
religion majoritaire (et non pas identitaire) originaire du Moyen-Orient, le
peuplement initial celte (Europe centrale), et beaucoup de penseurs, savants,
artistes issus des quatre coins du monde.
L’exigence d’une
« intégration » ne peut être le fait que de pensées qui se prennent
comme le modèle à suivre pour tous : quoi de commun aux façons de vivre,
de manger, de s’habiller, de se distraire, de se cultiver, de croire des
« Français » … ? On en est encore là ?! Si je m’intéresse
au Bouddhisme, on me renvoie en Inde ? Au Maroc si j’aime le couscous, au
Sénégal si j’écoute de la cora ?
C’est béret-baguette-messe-quart
de rouge pour tout le monde … ?
La France où j’ai envie de vivre,
c’est celle des Lumières et de leur curiosité du monde entier, et j’ai envie
d’y croiser tous les amis venus de partout, de découvrir toutes leurs cultures,
c’est ce qui me fait « moi », c’est ce qui constitue la seule
identité qui vaille : l’humain. (On ne peut pas chanter les mérites de
Mandela et vivre en apartheid dans sa tête). Et je n’ai pas envie de laisser
des minorités réactionnaires et revanchardes réveiller les vieux démons en
hurlant à « l’étranger », et risquer qu’ils réinstaurent … un Ordre
Nouveau pas si nouveau.
Alors, inlassablement, il faut
dissiper les confusions, dénoncer les manipulations, sensibiliser les
consciences.
mercredi 4 décembre 2013
l'Exposition George Braque
Il
se pointe à la grille de l’entrée sud (sur le flyer il y avait marqué « Rendez-vous
entrée Sud – 19h30 – Demander Joséphine »), il est à la bourre, essoufflé,
il a fallu nager à contre-courant dans la foule du métro. Il y a une petite
dame dans la guérite, un peu ronde, avec une sorte de képi, il lui demande :
« c’est ici l’exposition George Braque ? » Elle s’approche, elle
lui fait un sourire avenant, il lui tend le flyer, elle jette un coup d’œil.
« Ils viennent juste de
partir, traversez la cour, vous allez les rattraper. »
Il la remercie, elle lui refait
un petit sourire, il s’éloigne d’elle : probablement qu’il ne la reverra jamais.
Ce serait difficile à calculer :
combien de gens approche-t-on qu’on ne revoit jamais ?
Il traverse la cour, elle est
pavée.
Il voit un écriteau, en forme de
flèche, il indique : « Exposition George Braque ».
Il y a un couple, un peu âgé, un
peu épais, qui lui barre la route. Le monsieur a l’air préoccupé.
« George Braque, c’est celui
qui a fait Tintin ?
- Mais
non, tu confonds avec Le Tintoret. George Braque c’est celui qui a fait la
voûte de la Chapelle Sixteen.
- C’est
un Anglais ? »
Il demande pardon, il s’infiltre
entre eux, il y a un escalier, il le prend. Il monte. Ce sont de vieilles
marches, couleur crème et très usées, est-ce que c’est du marbre ? Il ne s’y
connaît pas bien en pierre. Quand on pense à tous ces siècles de gens qui les
ont montées avant lui !
A l’étage il ne voit toujours pas
le groupe, il y a d’autres visiteurs qui vont quelque part, et un gardien dans un
renfoncement de fenêtre, il lui trouve un air suspicieux. Mais c’est sa
fonction après tout, de faire semblant de ne pas regarder les gens, l’œil en
coin et suspicieux. Sont garnis de placards, d’armoires, de bibelots vieux et
probablement fragiles, immobiles, incrustés, appuyés à de petites plaquettes
explicatives en trois langues, français, anglais et chinois.
Ça l’embête, il a un fil tiré à
une jambe de son pantalon, un fil à la patte, ça l’amuse de se dire ça. Voici
une maison d’Icarie, il ne sait pas ce que c’est mais c’est marqué, des rangées
et des rangées d’objets de plein de sortes derrière des vitrines, de temps en
temps il s’arrête et les examine pour ne pas se faire remarquer. Il a peur de s’être
trompé d’aile. Cinq fenêtres de front. En bas il aperçoit la pyramide, moche et
en verre. Ce serait bête de ne pas les trouver. Il s’est inscrit sur
Billetreduc, il a payé en ligne et sûrement ils ne voudront pas le rembourser.
Et puis il les voit, tout au bout
du couloir, tout un groupe, ils marchent lentement et se tournent d’un côté
puis de l’autre, ils semblent attentifs aux explications de quelqu'un qu’il ne
voit pas. Ça le rend tout joyeux, de les avoir retrouvés, comme des amis, il se
sent maintenant plus en règle, une anomalie qui rentre dans l’ordre. Il n’aime
pas penser que les autres puissent penser à lui comme à une anomalie. Même d’ailleurs
s’il n’y a personne, il imagine, c’est comme s’il y avait quelqu'un d’invisible
pour le voir, pour voir qu’il ne fait pas comme il faudrait.
« Julien ! Tu viens !
Toujours à la traîne, celui-là ! »
Il vient d’entendre ça, de le
revivre, l’injonction exaspérée de sa mère, son frère et sa sœur qui ricanent,
son père est déjà loin sur le sentier côtier, il ne les attend pas. Lui il
aurait bien aimé s’arrêter un instant dans les buissons.
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