vendredi 28 septembre 2012

L'absence



            


            Le vôtre ?
            Son regard est fermé. Son regard est ouvert ?
            Le vôtre ?

            Ouvert sur le désir. Complicité : me diriez-vous ?
            Absent ? A quoi pensez-vous ? Est-ce l’objet du désir qui est absent ? Disparu ? Comme soufflé de la surface de la Terre.
            Vous êtes sans nouvelles ? Vous veniez en demander ? Qu’est - elle devenue ? Les autres ne le savent pas. Ou ils le savent, mais ne veulent pas vous le dire. Ignorent qu’ils le savent, ignorent que vous voulez le savoir.
            Le regard s’ouvre, prière. Comme deux autres sexes en haut du visage. Pénétrez-moi, dit son visage. Pénétrez en mon âme par le sexe de mon visage. C’est le regard. Nous sommes les uns aux autres revêtus. Nous ne souhaitons pas voir l’autre nu. Tel qu’en lui-même : non avenant, paré pour l’érotisme, miroir désirant, mais avec ses crevasses, ses boursouflures, ses impasses.
            Vous n’avez que cette question : où se trouve-t-elle à cette minute ? Vous ne l’avez peut-être pas encore rencontrée. Il est probable que vous ne la rencontrerez jamais. Ou que vous l’avez oubliée. Cette seule question, qui importe, dont l’urgence rend dérisoires toutes les autres, dont vous devinez le refus d’y répondre dans le regard de chacun : que fait-elle à cette minute précise ? Vous consultez une voyante. La voyante vous regarde avec ses yeux noirs, chavirés, enchâssés dans ses mains gantées de bas noirs : elle vous retourne la question de votre désir.
            La question de l’incongruité, de l’inadéquation de votre désir. Du désir. Le désir n’a pas droit de cité dans la cité, pas le droit d’être cité, dans les conversations en ville, dans les salons ouatés de moleskine. Il est l’exilé. Relégué. Dénié.
            Vous êtes là, muet de désirs. Nous sommes des être désirants aux désirs inavouables. Mon désir dans mes yeux risquerait de mettre le feu aux poudres d’escampette de votre désir tu, jusque-là, enseveli, assoupi. Vous préférez ne pas entendre la question, la seule qui tienne à corps:  A cette minute, où est-elle ? Cette question qui contient et entraîne toutes les autres. Celle de l’absence. Des raisons de l’absence, mais surtout de la concevabilité de l’absence. Vous êtes présents. Dans l’absence. Autour de l’absence, et à côté d’elle.
            Sommes-nous nécessairement absents, dans la présence ? Le rôle, ou l’effet, de ces photos n’est-il pas de vous rappeler cette présence ailleurs, ce désir revêtu, rhabillé. La présence ne commence-t-elle qu’au nombre de deux ? La possibilité qu’advienne la présence. Au-delà, elle se dissoudrait dans la nécessaire convention du nombre ?
Il nous reste l’écriture : comme trace restante. Supplétion de l’absence. Echo du désir. Ombre de la présence. L’écriture qui ne dit pas, elle aussi rhabille la question omise, la question honnie, la seule question qui vaille : où est-elle maintenant ? Mais elle entrouvre le regard sur l’ébauche d’une réponse entremurmurée : elle est passée vers là-bas, un autre jour...
Et vous ?

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