Plage immense sable eau océan soleil vagues reflets écume
Bleu
Iode sel tonique
Grondement mouettes ressac
Sable eau sel
Chaud doux
Sel
Toi, patate
Quelqu'un de doux et mystérieux
Tonique
Surprenant
Invitation au voyage
C’est une grotte. Parois anguleuses, parfois couvertes de
varech. Paquets de mer, qui fouettent les rochers.
Je suis là pour explorer.
Détonations des vagues.
Le ventre du monde. La porte des Enfers, peut-être.
Mes yeux s’accoutument. Je distingue des masses sombres.
Animaux ? Tapis, épiant la proie que je suis ? Je me sens de taille à
affronter tous les Minotaures.
J’essaie surtout de ne pas déraper en progressant vers le
fond, je m’accroche de mes deux mains.
La grotte fait un coude, au-delà elle s’élargit, j’entre
dans un espace colossal. Cathédrale sous-marine.
Je crois apercevoir quelqu'un, au centre. Un autre
explorateur, qui m’aurait précédé ? On n’est jamais tranquilles nulle
part.
Elle est juchée sur un rocher central. Comme la statue
inattendue d’une divinité antique.
Elle a bougé un bras ! Oui, elle est vivante, elle me
regarde, impassible. Ma venue ne semble pas la surprendre, ni l’intéresser, à
vrai dire.
Je m’approche. J’éprouve tout à la fois une inquiétude
immotivée et une paix légère. Je m’approche, et je m’abandonne. Ses yeux voient
aux tréfonds de moi, ils débusquent mon âme, mes peurs et mes hontes, mes
désirs et mes espoirs n’ont aucun secret pour elle. Je suis nu devant sa
sagacité calme, et je ne la crains pas.
Un apaisement, plutôt, un soulagement, de ne plus avoir à
feindre, de ne plus devoir être quelqu'un d’autre, seulement le peu que je
suis, matériau pauvre et primitif.
« Qu’es-tu venu me demander ? »
Sa voix est douce, paisible, et déterminée.
Je voudrais protester que je ne suis pas venu lui poser la
moindre question, que j’ignorais même son existence, mais le mensonge est
inutile. Je ne savais pas sa présence dans ce lieu perdu, mais, soyons honnête,
je l’espérais … J’espérais sa rencontre, j’avais toujours espéré sans le
savoir, sans oser me le dire, me trouver un jour devant elle, je l’avais rêvé
au détour des sentiers, à l’entrée des salons de café, au hasard d’un spectacle
en ville, sur un chemin égaré, au sommet des montagnes.
Mais je n’ai pas de question. J’ai beau chercher
désespérément, je ne vois rien à lui demander. Ou tellement. Comment les
rassembler toutes en une phrase ? Qui suis-je, quel est ton nom, es-tu là
pour moi, est-ce possible que le bonheur existe ? Tant de questions
idiotes et insensées, dont aucune n’était celle qui compte, la vraie.
Elle répète, plus doucement : « qu’es-tu venu me
demander ? », sans impatience, comme on fait à un enfant qui tarde à
dire le secret qui lui pèse.
« Viens avec moi. Partage mes jours. Offre-moi
l’insolent privilège de te connaître », sont les mots que me souffle ma
conscience. Ce n’est pas une injonction, pas même une invitation, impudent que je
serais, est-ce qu’on adresse une prière, même, à l’être de nos rêves ? Un
rêve, seulement, dit à haute voix. Le rêve aberrant et incertain qui hante mes
solitudes, depuis tous les âges que j’ai traversés.
Ses yeux sourient. Elle descend de son promontoire. Et elle
me tend la main. Et nous remontons à la surface du jour.