Immersion en territoire de « djeun’s basiques »
Intéressant, mais il faut s’accrocher : 3 heures, c’est
long. Des scènes étirées jusqu'à l’interminable (mais dans la vraie vie, c’est
encore plus long …) au ras de ces relations standardisées : ça bavarde, souvent
du désir, ça baratine, ça picole, ça danse … Une conception élémentaire et vide
de « la fête », que semble contempler de loin, perplexe ou gêné, le
personnage principal, Amin, apprenti réalisateur.
Performance des dialogues : pas une seule réplique « intelligente »,
qui ait un contenu, qui soit personnelle, en fait, dans tout le film. Kechiche
scrute et reproduit ce commerce de phrases toutes faites, de commentaires
stéréotypés, de banalités sur « la vie et l’amour » qui constituent
la (fausse) monnaie de ces relations mécaniques vécues par (notamment) une
grande partie de ces jeunes qui prennent la convoitise pour de l’amour, l’ivresse
alcoolisée pour de l’extase, et la consommation pour le bonheur.
Les deux personnages qui échappent (en partie, et comme
malgré eux) à cette surexcitation vide (pittoresque performance de l’oncle, en
libidineux toujours bourré, toujours réjoui, toujours éconduit, pure tchatche ;
ou encore Tony, séducteur en série, stakhanoviste triste de la baise, hâbleur
pour oies blanches) restent ou sont rejetés en marge, vaguement en recherche « d’autre
chose », et ouvrent le film dans sa dernière séquence.
Vu au premier degré par des spectateurs qui y retrouvent
leur mode festif, c’est ironiquement un éloge des plaisirs de la consumation
qui est perçu : comme si, à la longue et bruyante scène de la discothèque,
où les filles essaient en quelque sorte désespérément « de faire signe en
trémoussant leurs fesses », ne s’opposait pas celle (pas plus elliptique !)
où Amin photographie l’accouchement des brebis.
Document ethnographique si l’on veut, ou sociologique
(performance d’une reconstitution pointilleuse et efficace), soutenu par un
beau choix de musiques, de Bach au rock en passant par la techno.