L’Ennemi est : tout ce qui t’empêche
de vivre. Tout ce qui t’empêche d’être.
L’Ennemi est le soleil, quand tu
ne veux pas de soleil.
L’Ennemi est tout ce qui te
contraint. L’Ennemi est la Loi : la loi des autres, la loi du Groupe, qui
prétend te contraindre : à travailler, quand tu veux juste écouter de la
musique au soleil, à porter des vêtements qui ne te plaisent pas, à dire, à ne
pas dire, à être là où tu ne veux pas, à être autre que toi, à ne pas être. A te
joindre à l’obscène litanie des prières.
L’Ennemi est le serviteur de la
Loi, celui qui croit à la Loi, qui se prosterne, et la sert, vénéré despote.
Celui qui dit : Ne fais pas
ça, et voudrait t’empêcher de le faire.
C’est celui qui veut te prendre
ce que tu as, et aussi ce que tu n’as pas. L’eau que tu bois, l’air que tu
rêves, les rêves qui te nourrissent.
Ton âme. Tes désirs. Ce qui
palpite, au plus obscur de toi.
L’Ennemi, c’est l’ami qui n’est
pas là, qui te ferme sa porte. C’est le passant qui te croise sans te voir, la
foule qui t’encombre, et le vacarme.
L’Ennemi, c’est toi. C’est ton
désir, et tes vaines croyances. C’est ta faiblesse, tout le cortège de tes
faiblesses.
C’est l’ennui. Le fatras lourd des
conversations convenues, les colifichets clinquants de la sociabilité vide. La soumission
chafouine au Convenable. Les savoirs inutiles. Les honneurs, les vaines
gloires, de paraître autre que ce qu’on est, les élégances de pacotille. Les chimères
du pouvoir, le hochet dérisoire de la puissance.
Les rimes, et la raison.
L’illusion de te plaire.