jeudi 20 juin 2019

Une petite robe d'été


                        Un amour passionné, ça n’existe pas.
Ta gueule. Quand on rêve. Y a pas à rêver.
Je vais te le réveiller tout de suite, moi. Lui latter sa gueule de con. Tordre le bras. Planter mes canines dans ta chair nue. Chair humaine, se bâfrer. Quel goût ça a ? Eventration. Le sang rouge pisse sur la peau blanche. Ça lui apprendra. Ecarter les entrailles. Voir le spasme de souffrance qui explose le visage. Qui défait tout. Les traits. Lacérer la beauté. Tout ramener au niveau du monde, laideur. On n’est pas là pour faire la fête. Avec vos têtes d’empaffés. Qu’est-ce que vous croyez ? Exploser toutes les têtes. A coups de grolles, s’acharner sur le corps par terre.
                        Et dans un creux. Un creux de nuit. Tu l’attires. Son innocence. Ça lui apprendra. Malheur aux innocences. Tu lui murmures. Tu sens son souffle qui s’accélère. Tu sens son parfum, insupportablement doux et suave. Tu ressens son cri quand la lame lui déchire le ventre, un petit hoquet de surprise, eh oui, le bonheur c’est éphémère, son souffle qui s’exhale, le dernier, incrédule, si tu comprends pas la vie tu comprends pas la mort, ce qui t’arrive. C’est mieux comme ça, retour à la normale, la haine, partout, la bonne haine, bien claire, bien noire, bien franche.
                        Se regarder en se montrant les dents. En commençant à gronder. Si l’autre ne détourne pas assez vite le regard, lui sauter à la gorge, mordre à l’artère, le sang gicle, liquide de vérité. Le sang ne ment pas.
                        Prendre une pierre. L’abattre de toutes ses forces, de tout son poids, sur le crâne qui se fend comme une noix creuse, une fente d’où s’échappe la vie, le corps, inutile, s’affaisse, tas ridicule sur la terre, c’est mieux comme ça, on sait où on est, nulle part. Fin du film.

                        Les gens sortent de la salle, un peu assommés. Des retraités, des couples, mais pas que. Des cons. Les dames, frileuses, ou seulement convenables, se rajustent, un type parle fort pour impressionner sa nana, elle hoquète « oh la la » « oh la la », il lui explique, il pense qu’il est là pour lui expliquer, la rassurer, sur l’innocuité du monde, il croit que l’art c’est juste des paroles en l’air, pour épater la galerie, toi, mon con, t’es mort. Plus qu’à les suivre. Les attendre devant le traiteur asiatique, c’est long, ils n’en finissent plus de chipoter pour décider quoi prendre, « Sur place ou à emporter ? », « A emporter », minaude la grognasse. Tenté de laisser tomber, ce serait dommage mais j’ai pas la patience, et puis d’un coup ils ressortent, le bus ligne 17, je descends derrière, je me précipite juste pour bloquer la lourde porte, larges escaliers de marbre, tout prétentieux, sur la palier du troisième pendant qu’elle cherche les clefs dans son sac de perruche, clac, clac, je la délivre des explications imbéciles sur le film dont il continue à la saouler, imbécile ! un film, ça s’explique pas, ça t’empoigne par le mitan de la vie, ça te fait remonter tes rêves, tes amours, tes mochetés, pas besoin de dégueuler ça en considérations, personne en a rien à foutre, ce qui se passe en toi, clac, clac, deux balles, une pour chaque tête, et ces cons ils s’écroulent dans les bras l’un de l’autre, peut-être pour la première fois, il aurait mieux valu commencer par ça.
                        J’affirme qu’elle est brève, cette gesticulation sur la terre, d’une brièveté assassine.

                        Pendant trois semaines, j’ai levé la cadence, je le sentais plus, massacrer mon prochain, comme un dégoût, même, à quoi bon ? Même ça, à quoi bon ? Et puis c’est revenu, c’est comme tout, juste un petit passage de déprime. Pas que j’éprouvais du plaisir, à buter tous ces cons, juste qu’il fallait le faire, que quelqu'un s’y colle, c’est moi qui m’y collais, question de circonstances, ou le destin si on croit au destin, moi j’y crois pas, plutôt des pulsions, je te vois, et tu me plais, envie de planter mes canines dans la chair nue de ton bras, alors il faut que tu meures, c’est plus propre, pas la peine qu’on se fasse souffrir, ou tu me plais pas, tu me débectes tant que c’est un soulagement quand je vois ta tronche de nase qui s’efface, je rends service, Service de nettoyage.
Le miracle ça a été quand je l’ai vue, tout de suite j’ai su que ce serait la dernière fois, la dernière forme humaine que j’aurais à défaire, j’ai vu ma mort, ma délivrance, ça ne serait pas comme d’habitude, pourquoi ce seraient toujours les autres qui crèveraient ?
                        A mains nues. Aller chercher les yeux dans les orbites, les yeux verts, arracher ce regard, la courbe de tes yeux fait le tour de mon cœur, un hurlement sorti de ces yeux-là, des yeux verts qui te regardent, tu voudrais me faire croire, la vie, tout ça, laisse-moi rire, rire et mourir

                                   Que ces hommes se taisent
                                   Que ces rires s’éteignent
                                   Que tout le monde meure autour de moi
                                   en moi

C’est doux, la haine, ça repose. Ça ne pose pas de questions, ça ne fait pas de projets. Ni semblant.
Un jour, le soleil aussi fera tout cramer, même la nuit. Et ce sera tranquille. Bien tranquille.

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