samedi 14 juin 2025

En thérapie ... musicale ! (un bonheur)


poster du film Bande-annonce Les Musiciens

Enchanté par ce film : pas facile de s'accorder pour jouer (de la musique) ensemble : il y a le choc des égos, les lubies, les certitudes, les exigences de stars ... Et le non-héros Frédéric Pierrot vient dénouer les fils, avec sa patience maladroite, s'essaie malgré tout à faire advenir un peu de parole. Loin du clinquant, la belle humanité de l'acteur suggère une possibilité de chemin vers la beauté : la difficile ascèse de l'écoute.

lundi 26 mai 2025

L'étang noir

 

Pourquoi écrire, pourquoi ne pas écrire ?

 

Quand t’as les boules. Quand il faut que tu leur signales. Ça changera rien. Ils s’en foutent. Leur « engagement », c’est de la rigolade, pour faire genre, genre concerné, qui s’en fout pas, à gueuler à brandir, bannières et pancartes, défilements en rangs serrés, jouissance d’avoir raison, d’être du bon côté, de l’Histoire, du manche, les résultats ils s’en foutent, y en a pas ils font rien pour, ils s’en branlent, c’est juste pour être fiers, Voyez ! On l’a fait, on était là, on s’est « opposés », peut rien nous reprocher.

Je sais bien. Ça leur va comme ça, au fond, juste le plaisir de s’en plaindre, c’est plus simple que d’agir pour de vrai : on aime les Héros, qui prennent le maquis, et puis rendent leurs armes quand c’est fini, rentrent chez eux, font comme si c’était réglé, on cherche pas trop les pourquoi. On célèbre la libération et on se dit à la prochaine, contents de soi.

Je sais bien. Toi non plus ça sert à rien. T’as bien le droit de faire comme eux, péter un bon coup, ça soulage (« Mon Dieu ! Que cet homme est vulgaire ! », se récrie la baronne).

Révolte à deux balles. Tu gueules pour gueuler. Ça fait s’envoler un jet de cormorans, ou d’autre chose, tu connais mal les oiseaux, même pas sûr que ça soulage, l’étang noir toujours aussi désert, y a vraiment personne dans ces forêts, c’est sinistre, au moins ils sont pas là à venir te faire chier, avec leurs règlements, leurs manies, leurs lubies, leurs exigences, leurs certitudes, leurs excommunications, et leurs considérations au ras de la piste de danse

Tu crois valoir mieux qu’eux ?

Mais c’est quoi, cette vision, t’es devenu comme eux ? « Valoir mieux », évaluer, classer, faire des palmarès, podiums, tu crois que c’est ça qui compte ? On s’en fout, de « comparer », savoir qui est plus honorable, plus vertueux, plus révolutionnaire, la seule question c’est qu’est-ce qu’on peut y faire ?

A quoi ?

Justement, c’est la question.

En tout cas, fais gaffe au pavé dans la mare. Des fois, ça éclabousse.

Tu parles ! Y a personne, dans cette forêt, qui veux-tu qui le remarque ? En vrai, ils s’en foutent, ils grognent un peu pour la forme, ils te classent dans les « originaux », les bizarres, les agités du carafon, mais ils voient bien que tu tenteras rien de sérieux, t’es pas le genre à prendre des risques, tout péter : ça sert à rien, ils réparent derrière toi en un tournemain, ils font marcher les assurances, et t’oublient le jour même, et c’est pour toi les emmerdes, t’as gâché le peu de plaisirque t’avais, pour que dalle. L’héroïsme, c’est pour les cons. Les prétentieux. Qui croient qu’ils peuvent, qu’ils vont, qu’il faut sauver le monde. Pauvres pommes ! Sauve-toi toi-même, si tu peux, s’il y a quelque chose à sauver. Un peu d’amour, au fond de lits secrets, un peu de chaud de peau et de tendresse, si tu as eu la chance d’en trouver.

L’étang est noir, et le jour baisse.

samedi 29 mars 2025

Des deux côtés du Pont du Temps

 

                                                              

 

 

Ce n’est pas nouveau. Depuis la Préhistoire, que tu les vois passer, tout autour. Devant l’entrée du lycée, comme un benêt, tu regardes, tu les vois. Tout ça reste assez mystérieux. Tu voudrais bien comprendre, tu n’es pas sûr d’en avoir envie, pas sûr que ce soit possible, ni même nécessaire : l’envie quand même de les rejoindre, traverser la vitre ?

Tu as changé de corps, c’est toujours le même ciel plutôt bleu parsemé de nuages, ni grand beau temps ni orage, un entre deux, toujours quelque chose d’intermédiaire, ni Enfer ni Idéal, la vérité avant-dernière : tu ne les rejoindras pas, tu en es à peu près sûr, maintenant Hypothèse : ils existent sur un autre plan de réalité. Dick en a parlé, Sturgeon, aussi, et bien d’autres, donc c’est tout à fait plausible, et tu n’as pas à te justifier.

De temps en temps, dans leur course circulaire, mécanique, ininterrompue, ils se tournent vers toi, ils semblent t’apercevoir, être conscients que tu existes Bien sûr c’est parfaitement impossible

Ils te font un sourire Ça ressemble à un sourire, les lèvres étirées, comme une étincelle dans les yeux. Mais tu sais bien que ça n’est pas vrai, la seconde d’après leur prunelle s’éteint, ils rejoignent leur course aveugle.

Devant le lycée, tu te demandes ce qu’elle sera, ta vie, comment ça sera possible Impossible. Tu es tenté de la rejoindre, tu imagines. De l’autre côté du pont du Temps, tu te regardes les regarder, tu te demandes : ce qu’elle sera, ta vie Ce qu’elle a été

mercredi 26 mars 2025

parenthèse

 

Rien.

Rien à dire, rien à voir, rien ne sert de mourir, il faut aimer à point.

De l’océan des mots la substance spongieuse se presse dans ma gorge,

Comme un velours, la caresse du rêve, les visions d’un ailleurs de sable et de douceur

Solaire, le rivage innocent promet des matins calmes

Et j’entends le ressac murmurer d’improbables voyages.

 

Cependant qu’à l’Orient s’amoncellent les nuées d’orages menaçants,

Et mon âme, inquiète, repose entre tes hanches.

Tout.

Tout ou rien.