Pourquoi écrire, pourquoi ne pas écrire ?
Quand t’as les boules. Quand il faut que tu leur signales. Ça changera rien. Ils s’en foutent. Leur « engagement », c’est de la rigolade, pour faire genre, genre concerné, qui s’en fout pas, à gueuler à brandir, bannières et pancartes, défilements en rangs serrés, jouissance d’avoir raison, d’être du bon côté, de l’Histoire, du manche, les résultats ils s’en foutent, y en a pas ils font rien pour, ils s’en branlent, c’est juste pour être fiers, Voyez ! On l’a fait, on était là, on s’est « opposés », peut rien nous reprocher.
Je sais bien. Ça leur va comme ça, au fond, juste le plaisir de s’en plaindre, c’est plus simple que d’agir pour de vrai : on aime les Héros, qui prennent le maquis, et puis rendent leurs armes quand c’est fini, rentrent chez eux, font comme si c’était réglé, on cherche pas trop les pourquoi. On célèbre la libération et on se dit à la prochaine, contents de soi.
Je sais bien. Toi non plus ça sert à rien. T’as bien le droit de faire comme eux, péter un bon coup, ça soulage (« Mon Dieu ! Que cet homme est vulgaire ! », se récrie la baronne).
Révolte à deux balles. Tu gueules pour gueuler. Ça fait s’envoler un jet de cormorans, ou d’autre chose, tu connais mal les oiseaux, même pas sûr que ça soulage, l’étang noir toujours aussi désert, y a vraiment personne dans ces forêts, c’est sinistre, au moins ils sont pas là à venir te faire chier, avec leurs règlements, leurs manies, leurs lubies, leurs exigences, leurs certitudes, leurs excommunications, et leurs considérations au ras de la piste de danse
Tu crois valoir mieux qu’eux ?
Mais c’est quoi, cette vision, t’es devenu comme eux ? « Valoir mieux », évaluer, classer, faire des palmarès, podiums, tu crois que c’est ça qui compte ? On s’en fout, de « comparer », savoir qui est plus honorable, plus vertueux, plus révolutionnaire, la seule question c’est qu’est-ce qu’on peut y faire ?
A quoi ?
Justement, c’est la question.
En tout cas, fais gaffe au pavé dans la mare. Des fois, ça éclabousse.
Tu parles ! Y a personne, dans cette forêt, qui veux-tu qui le remarque ? En vrai, ils s’en foutent, ils grognent un peu pour la forme, ils te classent dans les « originaux », les bizarres, les agités du carafon, mais ils voient bien que tu tenteras rien de sérieux, t’es pas le genre à prendre des risques, tout péter : ça sert à rien, ils réparent derrière toi en un tournemain, ils font marcher les assurances, et t’oublient le jour même, et c’est pour toi les emmerdes, t’as gâché le peu de plaisirque t’avais, pour que dalle. L’héroïsme, c’est pour les cons. Les prétentieux. Qui croient qu’ils peuvent, qu’ils vont, qu’il faut sauver le monde. Pauvres pommes ! Sauve-toi toi-même, si tu peux, s’il y a quelque chose à sauver. Un peu d’amour, au fond de lits secrets, un peu de chaud de peau et de tendresse, si tu as eu la chance d’en trouver.
L’étang est noir, et le jour baisse.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Ami visiteur, je lirai avec intérêt vos commentaires ...