vendredi 18 mars 2022

Les bonnes idées (neuves !) de M"sieur Jadot

"Je n’exclus pas de réduire la durée des vacances, notamment celle des vacances d’été, et de revoir, par conséquent, les obligations de service des enseignants" : il est fort, ce Jadot !

 

Ou comment se mettre jadot les enseignants, vivier électoral, quand on surfe déjà au sommet des sondages ! The bonne idée, d'urgence absolue, pour améliorer la situation des profs, déjà en surchauffe, sur-exploités (voir les témoignages sur Les Stylos Rouges, par exemple). Macron se marre : avec des "adversaires" de cette trempe, c'est parcours de santé !

 

Enfin, le candidat entend « sortir de la notation permanente ». « En privilégiant la compétition à la coopération, on exerce sur les élèves une pression telle qu’ils ont l’impression de jouer leur réussite scolaire sur chaque note, de passer le grand oral de Sciences Po à chaque prise de parole », déplore-t-il. (dans le même article du Monde du 18/03)

Certes ... Mais on touche ici l'autre limite de la "pensée verte" (après les mesures contraignantes au nom de pieux principes) : un angélisme dont on peut se demander s'il est niais ou opportuniste : si la scolarité est, effectivement, péniblement compétitive, c'est parce que la suite du cursus, l'accès aux "meilleures places", la société elle-même est une arène sans pitié !

Feindre de l'ignorer, c'est en fait cantonner les enfants de la masse à une scolarité au rabais, hypocritement « bienveillante », et réserver les bons lycées, exigeants et sélectifs, à ceux des classes dominantes, qui trusteront ensuite les meilleures formations supérieures, puis les bonnes places. Ce n'est pas nouveau (Saint Bourdieu, priez pour nous !) : la « Bienveillance » sirupeuse, bien avant Blanquer, date de Belkacem : à l’époque de Hollande, étonnant le nombre de membres du Gouvernement dont les mômes étaient inscrits dans ces établissements d’excellence …

Et la dénonciation de cette « pédagogie de centre-aéré », complaisamment dépourvue d’ambitions (maquillée en discours pseudo-savants, pédo-psycho-socio-gauchos), remonte à la massification de Haby …

Rassurante continuité … Le « Vert » Jadot ne détone pas dans le consensus démo-social-libéral : on est gentils, et que rien ne change !

 

jeudi 17 mars 2022

Enfin un article drôle sur l'Ukraine

 

"Six méthodes pour soutenir l'Ukraine sur les réseaux sociaux et être dans le camp des gentils"

Par Jérémie Peltier, dans Marianne 16/03/2022


Comment ça, "jamais entendu parler" ? Mais si, vous savez bien, la série L'Invasion de l'Ukraine qui a remplacé sur les écrans La Grande Pandémie, elle-même précédée par Les Méchants Terroristes nous veulent du mal.

Ou Le Dernier Jour de La Terre : on va tous mourir ! Ah, ça vous revient ? Toutes ces images délicieusement Terrifiantes et bouleversifiantes parce que c’est « une guerre à 3 heures de chez nous ».

A 3h15, on s’en foutrait. D’ailleurs, on s’en foutait : quand c’était la Bosnie, qui dégustait. En plus, c’étaient des musulmans qui se faisaient massacrer. Mauvais casting. Là, l’Ukrainien, il est comme nous. Blanc, propre sur lui, à peu près chrétien. On peut compatir : voire l’accueillir chez nous, lui c’est un « Réfugié », pas un « migrant » : rien à voir avec les Syriens, Afghans et autres Erythréens qui cavalent devant les flics dans les dunes de Calais.

Sachons réserver nos larmes pour les Justes causes. Après tout, on est des gens bien, nous. Quand Sarko 1er décidait d’un petit bombardement de la Lybie (de l’alibi ?), c’était très différent (il s’était chamaillé avec son ex-pote dictateur Kadhafi). Ou Bush en Irak. Ou etc., on va pas remonter jusqu'à l’Algérie et l’Indochine.

On est des gens bien, nous autres, et puis c’est tout : la preuve, on a l’alarme à l’œil (mais pas l’essence, dommage), on met plein de drapeaux jaunes partout, super cool, et semble même que des quidams se mettent à partir se battre là-bas : c’est noble, Mourir pour l’Ukraine (l’exemple de la Guerre d’Espagne n’a pas suffi). Déjà que toutes nos manifs « de soutien » terrorisaient Poutine !

Quelqu'un sait ? C’est quoi, la Nouvelle série prévue, après l’Ukraine ? La profanation des sépultures ? La Nuit des vampires ? Peu importe : l'essentiel, c'est qu'on se fasse peur.

jeudi 10 mars 2022

Effacement

 

Il s’abandonne à la montagne.

Au début, ça ne se voit pas. La libération est lente. La voiture encore tout près, laissée à l’entrée du sentier. Il s’y est débarrassé de ses papiers, son argent, son téléphone. Tous les attributs de son servage. Marqueurs de son identité factice.

Il laisse derrière lui le monde étroit des hommes, leurs rues serpentines et encombrées. Leurs croyances, leurs devoirs, leurs missions. Ce fatras qu’ils nomment « Responsabilités ».

Au début, le sentier monte lentement. Il faut que le souffle se fasse, s’extirpe des muscles endormis. Peu à peu il sort du couvert des arbres blonds. Sans penser aux heures, il monte. En plein ciel.

La montagne à perte de vue. Le regard porte loin. Il s’élance dans le bleu, ivresse, rebondit vers les sommets loin, même l’Ossau, à plus de cent kilomètres, les distances sont abolies. Au milieu des pentes d’herbes, coiffées de fougères, il n’est plus rien. Qu’une créature immobile, insignifiante, chair vulnérable aux griffures minérales et végétales.

Le sentier s’est effacé. Il marche au hasard à travers les prairies, contourne des rochers. Au fur et à mesure qu’il s’élève, l’Océan se déploie, bleu serein. Horizontal infini. On pourrait croire qu’il n’y a jamais eu d’Histoire. Que l’humanité n’a jamais existé, fiction absurde et improbable.

Son souffle se mêle à l’herbe, aux pierres, à l’air, à l’aigle immobile au-dessus de lui. Il n’est plus rien. Il est vivant.

lundi 24 janvier 2022

L'amour au commencement

 

Tous les lendemains. Ça commence chaque jour, dans les secondes de chaque jour, dans les interstices de la vie ordinaire.

Le premier soir, la première nuit, ça ne compte pas : c’est facile.

Le vertige de tes yeux noirs. L’enchantement de ton visage, inconnu familier, mon cœur se gonfle et je voudrais le contempler encore et encore. Les promesses de ton sourire, ce bonheur qu’il me reconnaisse, qu’il me choisisse, entre tous. Les joies annoncées de ton corps, te découvrir, te voir, entière.

Le moment où nos lèvres s’effleurent. S’entrouvrent, se joignent et nos âmes se mêlent. Ta voix, qui m’attend, qui m’accepte.

Notre première nuit. Torrent. Tempête. Apaisement : nous ne sommes plus seuls sur la Terre.

Et pourtant ce n’est pas là que ça commence. Nous ne nous sommes pas encore rencontrés. Seulement, deux amants inconnus qui se plaisent. Ça ne suffit pas à faire une histoire. Le plus dur, le plus beau, le plus incertain reste à venir.

Quelle belle découverte que ta brosse à dents à côté de la mienne. Tu dors encore. Je te regarde, belle inconnue. Je ne sais rien des contrées de toi à découvrir. Sourire, à ce voyage. Au désir de cette exploration : je vais partir à l’aventure de qui tu es. Je ne le saurai jamais. Ce sera notre mystère. Notre défi. Je t’apercevrai dans les détails de ta vie.

La brosse que tu as laissée sur la commode. Le chemisier blanc tout imprégné des parfums de ta peau. Le livre ouvert à la page où tu as arrêté ta lecture. Tout ce que je ne sais pas de toi. Tout ce que tu montreras de toi. La maison de ton enfance, le quartier où tu as joué, l’école où ton enfance a fait ses premiers pas.

Je vais apprendre le monde comme tu le vois. Ce que tu en détestes, les choses qui te mettent en colère, celles qui te rendent heureuse. Je vais gagner un monde, une autre façon d’être à la vie. Ta vie. La mienne.