Dans mes supports configurés,
dans mes ziggourats,
dans mes vertiges,
dans les hasards de mes
interstices
dans la suave odeur de mon
sépulcre
dans la laitance bleue des
nénuphars
annonciateurs d’aurores
J’ai renoncé.
J’ai renoncé au silence
J’ai renoncé à savoir
renoncé à franchir les portes
ouvertes
les comptoirs clairs d’étoffes de
contrebande
les verres choqués à l’amitié
les coffres, coffres anciens à
ferrures, femmes émancipées,
qui marchez le long des rivages
toutes ces caravanes en partance
vers un Orient majuscule
la trace d’une piste, à travers
sable
Il dit : le Recommencement.
C’est une grande salle où
l’espace fait des échos de stalagtites
le ploc ! d’une goutte
millénaire
Il faut partir.
Chacun rassemble à la hâte les
couvertures en fibre de roseaux et les peaux de bêtes qui tiennent chaud sous
la hutte quand dehors mugit la bête qui rôde
Il y a trois jours il manquait
encore un enfant, un nouveau-né de quelques heures, ils n’ont retrouvé près du
campement qu’un reste de pied à demi-dévoré.
Dans l’accalmie de ton silence
Sur le rivage mort, nos histoires
Elles n’ont pas su Elles n’ont pas su devenir, il fallait, il ne fallait pas,
la nuit, le jour c’était encore plus difficile, ce meuglement, l’insipide de la
poussière, des buissons, seulement, leurs branches sèches, on entend des
chèvres, des hommes qui parlent un langue étrangère, c’est un documentaire très
étrange, elle a raté le début, elle est entrée sans regarder l’affiche, se
mettre à l’abri du froid, juste, à l’abri de l’homme, elle s’est faufilée dans
la salle en se cognant aux accoudoirs, s’est assise au bout de la rangée, son
souffle est irrégulier, elle reprend son souffle, ça fait du bien de s’asseoir,
de ne plus sentir la pluie qui glace la peau du crâne, seulement s’asseoir,
personne ne la connaît, ici personne ne la trouvera, c’est un petit cinéma à
l’ancienne, elle a pris la première salle près de la caisse. C’est tout sombre.
Sur l’écran, les images s’agitent. Font une danse autour du feu sous un ciel
rose. Il n’y a que des buissons affamés.
Elle aurait voulu prendre un
bateau. S’embarquer. Toute seule, recommencer. Trop loin, la mer. Elle marchait
comme une folle, en sens inverse de la foule, ils la bousculaient, sans la
voir, leurs têtes sans yeux toutes pareilles tournées vers le vide, elle
essayait de les éviter, qu’ils ne la touchent pas, c’était comme une fuite,
elle se dit qu’ils sont comme des hommes en manteaux de cuir noir à sa
recherche, mais ils ont perdu sa trace. Ils seront allés voir chez son père,
hésitant, il aura répondu qu’il ne sait pas où elle est, qu’ils ne se voient
pas souvent, et c’est vrai. Sa mère probablement leur aura proposé une tasse de
thé. Ses yeux s’habituent à la pénombre et elle distingue les têtes autour
d’elle, les têtes d’ombre, immobiles et toutes tournées vers l’écran, la tribu
a rassemblé ses hardes, quelques bâtons, ils avancent, maigres, leurs pieds
raclent la poussière, certaines femmes ont un bébé accroché sur le dos, on
entend des bêlements de chèvres.
Dans le silence de ma mémoire
Dans le jardin de mes enfances
Dans la ligne brisée
J’avance.