lundi 3 juin 2013

Only god forgives de Nicolas Winding Refn

Superbe. Dérangeant, bien sûr : violence primordiale, on pense au théâtre antique ou à Shakespeare (Médée, par exemple), à éclairer (s'il le faut) par le surréalisme (hommage à Jodorowski dans le générique) et la psychanalyse. Plongée aux tréfonds.Only god forgives

2 commentaires:

  1. "Mais quand même c'était un peu chiant et ça se la pétait un peu, non ?" (Bastien)

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    1. eh non ... "chiant", c'est si on ne trouve pas de "clef" pour entrer dans le film ; mais si ça fait écho à des choses profondes, si ça résonne avec d'autres oeuvres, anciennes, c'est au contraire passionnant. Et qu'un type filme ce qu'il a dans la tête, qu'il ait l'audace et l'originalité de mettre ses images sur l'écran, c'est pas "qu'il se la pète", c'est qu'il assume l'acte de l'oeuvre d'art, sans se cantonner à suivre des règles à la mode, imposées par les goûts de masse : par exemple un récit qui ne suit pas strictement la logique narrative ("et après, il se passe ça"), mais adopte la logique onirique, telle qu'elle s'exprime dans les rêves.
      La question intéressante me semble plutôt être celle-ci : plutôt que récuser une oeuvre à laquelle on n'adhère pas, ce qui n'amène rien, se demander : qu'est-ce qu'on peut faire avec ce film ? Si la réponse est "rien", est-ce qu'on l'a vraiment cherchée ...? Est-ce qu'une oeuvre doit nous séduire immédiatement, nous dispenser de tout effort de lecture, de tout retour sur soi-même ? Ou plutôt nous amener à percevoir ce qui gît au fond de nous-même ... et que peut-être nous n'avons aucune envie de découvrir. A savoir, ici, notamment cette violence "primitive", primordiale, notre pulsion sauvage à faire violence à l'autre, à faire couler le sang, à tuer, faire souffrir : pulsions omniprésentes mais sans arrêt refoulées par nos codes sociaux ; non pas canalisées, ce qui serait légitime pour vivre en société, mais carrément déniées, écartées de notre conscience, travesties en formes d'expression mieux acceptées mais plus pernicieuses.
      Ce film retrouve la force du spectacle de la tragédie antique, de celle de Shakespeare, par exemple : il nous "met sous les yeux" l'horreur de l'humain, l'insoutenable (le thème des bras coupés est récurrent, par exemple, dans les représentations de Médée) ; il ne dit pas un discours sur notre violence, il ne l'atténue pas sous un récit rationalisé, voire banalisé par les stéréotypes du film d'action. L'action est chorégraphiée, statufiée : nous sommes hors-temps, dans la réalité de l'inconscient, dans l'intemporalité d'une "essence" humaine, qu'à vouloir désespérément nier, ou rejeter dans la catégorie commode du "mal" (commode parce que le mal, c'est toujours l'autre), on réactive en douce dans chacune de nos relations, sans accepter de le (sa)voir. Le film nous projette dans un spectacle, un à voir renforcé par une musique de la pulsation.
      Si notre "raison" policée et effarouchée freine des quatre fers, si se bloque en nous toute reconnaissance de ce qui s'agite en nous, je crois volontiers qu'alors il ne "se passe rien", et que donc ça devient "un peu chiant".
      Pour conclure, que faire alors de ce film ? Selon moi, interroger sa propre pulsion de violence : qu'en faisons-nous ? Où l'avons-nous peut-être enfouie, ensevelie ? Sous quels mythes de bienséance et de bien-pensance ? Quelle vérité peuvent avoir nos relations, notre rapport au monde, si nous tournons le dos à ce qui nous constitue de façon si intime ? Je crains l'humain qui ne connaît pas sa violence, car elle le possède, et lui met un masque rassurant. ("Qui veut faire l'ange fait la bête").
      Par exemple. (il y aurait encore beaucoup à dire ... Les rapports mère-enfants ... rapports de prédation, de dévoration, d'éventration ...) A mettre en lien avec le beau film aussi Shokuzai - Celles qui voulaient se souvenir !

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