mardi 24 janvier 2023

La peau de nos désirs

 

I bleu

O rouge

Hilarité, incandescence de nos festins !

Obsolescence, obscurités de nos destins. O, fragiles insouciances !

Immédiat, le désir tend sa voile.

Opalescent, l’oubli se dissimule.

Immensités de nos déserts … immanences de nos possibles.

Opacité, les rêves se couchent, au pied de ce qui arrive. De ce qu’on pressent, qui avance.

Irrépressible. Et incertain. Titubant, dans la poussière retombée de nos jeunesses impossibles.

Opprobres de l’âge, on chancelle, on se rattrape, d’un souvenir incertain, à un sourire, un regard, on se souvient. A peine. Des peines, et des délices.

Hirsutes, nous défiions les futurs.

Hostiles, nous brandissions nos guitares.

Irréductibles.

Audacieux.

Immensités de nos désirs ! Qu’elle était pourpre, la vie, et le sang battait nos nerfs.

Obéissance. A l’ordre qui s’impose, à ce qu’on croit être, aux contes qu’on nous a dits.

Irritation. Irrigation, de nos entreprises, par la colère !

Imminence du plaisir. Je hume ta peau. Tu es autre, et sur cette île, j’accosterai.

Au péril de mes impuissances. De mes hontes, renoncements, reniements, trahisons, l’aventure est une forêt qu’on traverse, fébriles …

Inondation.

Onanisme.

Irruption, surgissement rauque de la semonce cacochyme des anciens.

Octogénaires séniles. Piteuses férules tremblantes.

Hybridation insensible de nos réalités. Asthénie de nos rêves.

Autant se soumettre.

Y trouver plus de facilité, rejoindre la cohorte.

Orages. Convulsions.

Histoires sans avenir, idylles sans lendemains.

Aucun repos. C’est la chair qui commande.

Hideux sommeil.

Odieuses capitulations.

Il fallait se rendre aux évidences.

Aux prophéties sinistres.

Il fallait renoncer : vous l’exigiez, vous nous aviez prévenus, notre défaite était

Inévitable. Les générations avant nous. Toutes. S’étaient pliées.

Aux obéissances inéluctables. Prendre un métier, comme on prend le voile. Comme on met la clef sous la porte, entre-close.

Imitation de vos défaites.

Ordre souverain de vos médiocrités.

Idéal qui s’amenuise, se racornit, se dessèche, poussière du corps répudié.

Orgasme, pourtant, vous n’aurez pas la peau de nos désirs !

Immortalité de nos mémoires

Imagine

 

lundi 23 janvier 2023

La Syndicaliste

 


Sinon, je peux proposer à Allociné mon avis sur ce film, prenant, jeu des acteurs impeccable, sur un scandale politico-policier autour d'Areva, à l'époque de Hollande ? Où des patrons du CAC 40 se comportent en chefs maffiosis, des hommes politiques se dépêchent de ne pas intervenir, la Gendarmerie et la Justice nous donnent vraiment envie de "faire confiance à la justice de son pays" ... Chez nous, pas chez Poutine, ou Erdogan et consorts ... Et, promis, cette fois, je ne parlerai "que du film".

allociné censure !

 

Les cons, ils m'ont censuré !
 
Cher utilisateur,
"Nous vous remercions pour votre critique de film: Youssef Salem a du succès.
Toutefois, merci de réécrire votre critique et de donner uniquement votre avis sur ce film / cette série.
Cordialement,
L'Equipe de modération
support@allocine.zendesk.com"
 
C'est vrai que ma critique était d'une violence inouïe : le film se moque du wokisme, de sa prétention à vouloir censurer tout et n'importe quoi (justement !), du fantasme d'une "identité arabe" (comme un précédent, de Michel Leclerc, de l'imaginaire "identité juive", ce qui lui avait valu qqes critiques), du petit monde paillettes snob toc de la "Littérature" ... et je le disais.
Faut donner "uniquement son avis sur le film", qu'ils stipulent : "le film", ils veulent dire par là les costumes des acteurs et la déco de Chez Drouant ?
 
Allociné, allo ? Ciné ?

dimanche 22 janvier 2023

littérature

 

                                                                           

 

Pourquoi écrit-on ? On se le demande …

C’est une question énervante, comme un moustique qui persiste à vrombir à nos oreilles sans qu’on parvienne à distinguer où il se cache.

Le mieux, c’est de recourir à la méthode systémique : personne sait ce que c’est, et ça impressionne.

Pourquoi on se lave les dents, pourquoi on joue du piano ? (j’ai pris le piano, bien connu sous nos latitudes, mais ça aurait marché aussi avec l’accordéon diatonique, le djembé ou le guembri. Entre autres.) Pourquoi on fait quoi que ce soit ?

Y a qu’à comparer : ce qui vaut pour les uns doit bien marcher aussi pour l’autre.

Mais pourquoi au fait se demander pourquoi on écrit ?

Parce que c’est chiant. Sinon, on poserait pas la question. On prendrait son pied et ça irait de soi.

Mine de rien, on a bien avancé : on se lave les dents (ce qui est fastidieux, au début au moins, avant que l’habitude et la résignation n’aient transformé l’injonction parentale en procédure machinale, si ce n’est en jouissance hygiéniste) parce qu'on nous a dit qu’il fallait, parce que ça diminue avantageusement les rencontres avec les dentistes, et, accessoirement, parce que ça nous donne une haleine fraîche.

L’écriture, c’est pareil.

D’un côté, vous avez les désagréments : vous restez coincés chez vous alors qu’il fait beau dehors et que vos copains sont allés se baigner avec des jolies filles. A moins que vous n’éprouviez pas d’attirance pour le beau sexe ? Ou que vous estimiez que vous n’avez pas la moindre chance.            Ça ne vient pas, c’était bien parti mais vous ne voyez plus du tout comment passer au 2e chapitre. Vous vous rendez bien compte que tout ce que vous avez pondu, qui vous animait d’une ardeur écrivante féroce et joyeuse ne vaut pas un clou, à la relecture. Et vous êtes conscient que vos chances de signer chez Gallimard sont aussi minces que celles d’un blédard de Nouakchott de décrocher un contrat à la Mbappé.

Ou alors, non, justement : vous n’êtes absolument pas conscient des réalités, de la masse visqueuse de manuscrits qui stagne à l’entrée des maisons d’édition, des montagnes vertigineuses de romans invendus qui finissent au pilon, et vous partez la fleur au fusil, et vous ne doutez pas de votre bonne étoile …

Ça expliquerait bien des choses.

Vous vous dites que si Camus, fils de femme de ménage, et Ernaux, fille d’épiciers, ont pu empocher le Nobel, pourquoi pas vous ? Se fader l’écriture d’un roman à succès, ça peut payer ! Ils sont quelques-uns à avoir troqué l’ennui de la salle de classe contre les émois de l’édition, les Pennac, Gavalda, Ernaux ... Un célèbre auteur à succès, justement, accoutumé à faire pleurer dans les chaumières, avait pu payer sa piscine en écrivant sur les pauvres, toujours ça de gagné. Quant aux Levy ou Musso, la question de savoir pourquoi ils « aiment écrire » ne se pose même plus … Ils ont trouvé le filon, et ils creusent.

S’il a du succès, votre chef-d’œuvre … Des armées de gamins crachent fébrilement de la Fantasy en espérant que se produise pour eux le miracle Rowling. Ils se ruent sur des sites où on leur révèle la recette du suspense décoiffant, ils deviennent des pros du « climax » bien tempéré, le concept à la mode. Parce qu'en plus, ça rend célèbre. La notoriété étincelante du Grand Ecrivain ! La gloire (éphémère) des Prix innombrables ! La quintessence décidée en petit comité dans les ors chics d’un restaurant réputé, on se rengorge et on s’académise entre gens convenables : désintéressée par essence, la littérature, de purs esprits, dissertant à l’envi sur de nobles sujets, à moins qu’on ne tente le grand frisson des files de lecteurs admiratifs, « j’aime beaucoup ce que vous faites », dans l’arrière-salle d’une librairie de province …

La littérature est un temple où l’on n’évoque qu’en chuchotant le nom sacré des idoles : ici, Saint Proust nous toise de Son accablante supériorité, à côté un groupe de fidèles se pâme aux pieds de Saint Houellebecq. La statue de Saint Montherlant est un peu délaissée … Saint Modiano, Saint Stephen King, Sainte Amélie Nothomb, Ora pro nobis ! Ses allées donnent le tournis, on ne sait plus auquel se vouer, parmi les cris extatiques des fans, chacun prêchant pour sa paroisse. Un Mausolée.  Tout le capharnaüm des anciens dieux, dont les bustes oubliés gisent au milieu des étoiles montantes. Pas un jour sans que naisse un futur Prophète. Les choses les plus belles, les plus prometteuses, il faut que les humains les transforment en Cultes. Quoi qu’ils fassent, ils adorent adorer : ils ne peuvent vivre que prosternés. Il faut qu’ils divinisent leur plaisir : ce que j’aime est, nécessairement, au-dessus de tout le reste. Supérieur et incontestable. Vous en doutez ? Mécréants que vous êtes ! Aveugles à la vraie Foi.

Combien sont-ils à scribouiller dans l’espoir de décrocher le miroir aux alouettes ? Même si, à 3000 exemplaires (donc autant d’euros, à quelques cents près) le tirage moyen d’un premier roman, dont moins d’un sur cent trouve preneur chez les éditeurs, mieux vaut avoir la foi bien accrochée. Prendre un billet de Loto semble un pari plus raisonnable …

Mais, tout le monde vous le dira, ce n’est pas pour de si triviales, sordides raisons qu’on prend la plume, qu’on entre en Ecriture ! On joue du piano non pour se produire à la salle Pleyel, mais parce que ça fait plaisir. Moins peut-être à l’entourage immédiat, quand le doigté est approximatif, mais le clavier à mots a au moins cet avantage d’être relativement silencieux.

De quel bois, ce plaisir, que d’autres trouvent plus sûrement à faire du tricot ou du parapente, jouer à la belotte ou s’épuiser les bronches à courir comme des dératés ? Les voies du plaisir sont impénétrables, et bizarrement polymorphes.

Détaché des préoccupations terre-à-terre, le Grand Ecrivain éclaire ses semblables de ses lumières. Je pense donc j’écris. Et je pense rejoindre ainsi peut-être l’Olympe des Montesquieu, Voltaire, Flaubert, Zola. Ou Coelho : il eût été dommage que l’Humanité fût privée de tant d’idées décisives. C’est mon côté bienfaiteur. Même si la survenue des progrès sociaux et politiques semble davantage tenir aux transformations matérielles qu’aux textes célèbres qui les ont annoncés, plus qu’engendrés …  L’abolition de l’esclavage suit de plus près les chutes de rentabilité des exploitations négrières que la publication de L’Esprit des Lois : on se complaît au mythe gratifiant de l’intellectuel guidant le Peuple, mais, depuis que le monde est monde, à quelques jours près, ce sont toujours les mêmes dénonciations (incantations ?) qui, de l’Antiquité à nos jours, vitupèrent les bassesses humaines, matière heureusement inépuisable. Le « Ridendo castigat mores» de Molière, « contestataire » d’abord soucieux de plaire à son roi, s’il fait rire, châtie assez peu, en réalité. Ce sont toujours les mêmes travers que le moraliste, à toute époque, entreprend de corriger. La grande mission humaniste d’une littérature transformatrice du monde semble surtout relever de l’argument éditorial, nos Grands Auteurs y croyant fort peu eux-mêmes : tel Monsieur de Voltaire, raillant la noblesse qu’il finit par se faire conférer, ou les sacrements de l’Eglise, qu’il craignait plus que tout de ne pas recevoir … L’écriture, c’est d’abord une posture. Une imposture. En littérature, écrivains et lecteurs se paient souvent de mots. Prétendent communier dans la contemplation de quelques vérités supérieures, vite délaissées, voire reniées, au quotidien. Tel applaudit dans ses discours les iconoclastes saillies d’un Rabelais, l’insolence d’un Beaumarchais, les immoralités sulfureuses d’un Choderlos de Laclos : mais ne conçoit pas que ses subordonnés et proches ne lui obéissent pas, dans le plus strict respect de la hiérarchie. L’amour ardent de toutes les libertés vaut le temps d’un plateau-télé, d’un symposium universitaire, d’un dîner en ville. Simulacres. Solennel bal des faux-culs.

Comment, dès lors, aimer encore écrire ? Une fois dissipés les voiles de l’illusion. A quoi bon ? Pour quels effets possibles ? Limiter ses attentes, peut-être. Assembler une histoire qui distraira quelques instants. Forger un peu de beauté. Ou beaucoup contribuer à épaissir la bêtise endémique : être cette « auteure qui a déjà inspiré plus de 2 millions de lecteurs » … !

Et pourtant, c’est plus fort qu’eux, il faut qu’ils écrivent. Qu’ils espèrent une fortune hypothétique, une gloire passagère ou une influence incertaine, il faut qu’ils suent des mots, qu’ils suintent des histoires, qu’ils éructent des formules immortelles …

Ça tient de la chimie intestinale. Ça procède des macérations viscérales de nos émotions, frustrations, de tout ce dont on croyait pouvoir jouir et qui nous échappe. Ça écrit sur les parois immémorielles le bison convoité, l’auroch espéré, le mammouth redouté.

On écrit le réel pour l’invoquer, c’est sorcellerie de qui croit posséder le monde en le peignant. C’est une incantation : ça chante, l’écriture, les peurs et les défaites de vivre. C’est des signes pour savoir si on existe.

Et, si on n’existe pas, pour s’inventer.