vendredi 17 mars 2023

Manif

 

                                                                            

 

Je débouche du métro à Bastille, y a une bande d’énervés qui m’empêche d’accéder                                 au haut de l’escalier

Un peu plus et je tombe

Poussez-vous, les pouilleux, j’veux passer !

Je me fraie un passage entre la bousculade, ça sent la frite et les fumigènes, ça empeste la foule qui s’excite à gueuler

Moi j’voulais juste demander la direction du Louvre

J’attrape un type qui passe à côté, je lui demande mais il est trop occupé à hurler ses slogans comme à l’armée,

La foule reprend en chœur des bouts de phrases des bouts de cris

des rancœurs recuites mises bout à bout sans rien qui rime

à grand-chose, c’est le Grand Soir, il est même pas dix heures,

Ça commence à caillasser, y a des ninjas qui balancent des bouteilles enflammées et Robocop en face qui débite du crâne de prolo sans fatiguer

J’voulais juste voir le Louvre, suis un touriste, laissez passer,

J’vais être en retard pour la visite guidée des Antiquités grecques

et égyptiennes, pour les Impressionnistes c’est râpé, mon voyage touristique part en fumée

Y a des jeunes y a des vieux, c’est les plus excités

Y en a qui s’marrent y en a qui pleurent une oreille arrachée,

Vomissent dans le caniveau leur colère esquintée

J’avise une blonde plutôt gironde

J’m’approche pour lui parler

Elle a un air terrible de Liberté guidant le Peuple

J’lui propose un resto, une balade, un tour en bateau mouche

Je veux plus la quitter

Cette meuf c’est pas croyable l’effet qu’elle me fait

Elle me jette un regard, je m’accroche à sa manche,

« Casse-toi, pauv’ mec ! Tu vois pas que j’ suis occupée

A botter le cul du Grand Capital jusqu'à ce qu’il crie grâce »

J’lui crie « Grâce ! », ça pourrait être son nom,

Elle me voit déjà plus, la foule m’a arraché la femme de ma vie, j’en pleurerais

Je suis seul dans la foule des croquants énervés

Ils ont choppé deux flics et les passent à tabac

C’est bien fait pour leur gueule, z’avaient qu’à pas rigoler

quand j’ leur ai demandé « Pour le Louvre, je change où, s’il vous plaît ? »

J’vois plus la meuf, je pique une pancarte et j’me mets à chanter

Je me laisse emporter par la révolte qui déferle

A Nation, peut-être, je la retrouverai

mercredi 15 mars 2023

Reporterre : C’est un fait : les femmes sont plus écolos que les hommes https://reporterre.net/C-est-un-fait-les-femmes-sont-plus-ecolos-que-les-hommes?utm_source=newsletter&utm_medium=email&utm_campaign=nl_quotidienne

 

C’est un « Fait » ! Euh … un fait ?

Parce que, si on suit cette logique, qu’un temps on eût, en appelant les choses par leur nom, qualifiée de sexiste, si « Les femmes sont plus écologistes » (si, en fait, « les femmes sont plus ou moins ceci ou cela »), ça confirme la vieille thèse préférée des phallocrates : alors, « les femmes sont plus connes » …

Mais … Et les « Noirs » ? A-t-on fait des « recherches », pour déterminer ( !) s’ils sont plus (ou moins ?) écologistes que les Blancs ? Et les Arabes ? Les juifs Ashkénazes ? Les homosexuels bruns à yeux verts ?

Catégorisons, de façon catégorique ! Tant pis si on ne sait pas bien qui on fourre dans ces fourre-tout, quel est l’intérêt (les arrière-pensées …) de « comparer », qui on cherche à mettre à l’Index, à culpabiliser : l’époque est au retour du moralisme à tout propos. Même si on ne sait pas trop, non plus, ce que c’est, être « plus écologiste », à quoi ça se reconnaît, qui établit les mesures, selon quelles données évidemment « scientifiques », ni si ça se soigne … Probablement, comme, en d’autres temps, être « bon catholique » ? Fréquence de présence à la messe, régularité des confessions, actions charitables …

Demandez (à la revue Reporterre) le Nouveau Label : « plus écolo » ! (tu meurs)

 

Dans le corps (souffrant) de l’article, tout s’explique :

« Les femmes, plus écolos que les hommes ? Les études scientifiques se suivent, se ressemblent et confirment cette énième inégalité. À table, les hommes émettent en moyenne 41 % de gaz à effet de serre de plus que les femmes, d’après une étude britannique de 2021. »

Les hommes, visiblement, pètent plus à table.

On comprend peu à peu ce que ces allumés entendent par « plus écolos » … Et réellement, nouvelle religion, nouvel Ordre moral, sans ciller : avec les bons points et les mauvais, les « peut mieux faire » et les « doit progresser » :

« Les hommes sont également de mauvais élèves en matière de transport. Ils se déplacent plus et sur de plus longues distances que les femmes : 118 kilomètres par semaine, d’après le Forum Vies mobiles. Avec à la clé 16 % d’émissions de CO2 de plus, notamment en raison de leur usage plus prononcé des véhicules à quatre roues, a évalué une étude suédoise de 2021. »

C’est pas bien, ça ! On sent arriver le camp de rééducation …

Et c’est pas tout :

« Globalement, la gent masculine est à la traîne quand il s’agit d’adopter un mode de vie plus écolo. Le zéro déchet est une pratique majoritairement féminine », « j’ai environ 95 % de femmes dans mes ateliers. La présence d’un homme est exceptionnelle », expliquait ainsi à Reporterre Joséphine Dabilly, animatrice d’Ateliers zéro déchet à Nantes. »

Qui ont peut-être autre chose à faire qu’aller se branler le chou dans des assos type sectes de quartier, tendance macramé, pour se faire « enseigner » comment Sauver la Planète.

Infantilisation et niaiserie à tous les étages, les Nouveaux Prophètes réussissent à cumuler les tares de tous les mouvements répressifs de ces dernières décennies : bonne conscience moralisatrice catho, injonctions et proscriptions à la Mao, sens du « sacrifice », certitudes d’une eschatologie apocalyptique (sauf ultime Rachat …), règlementations collectivistes, etc.

Un petit dernier article de foi, pour la route ? Pour continuer à envisager la tâche qui nous attend avec enthousiasme et bonne humeur …

« Les sociologues […]ont évalué à 202 heures le travail domestique supplémentaire induit par l’utilisation de couches lavables pour un enfant de sa naissance à ses trois ans — un surcroît de tâches largement supporté par les femmes. »

On est pas dans la merde.

jeudi 23 février 2023

Les Signes (Le jour où je suis mort)

 

                                                            

 

Il vient un jour, dans la vie d’un homme, où il se retrouve face à sa mort. Rien, parfois, ne l’annonçait. Elle est là. Elle te regarde, calme et patiente : ton heure est venue.

C’est hier que j’ai vu le premier signe. Mais, sur le moment, je n’y ai discerné aucun avertissement. Toute la matinée, j’ai organisé mon emploi du temps en fonction de mon rendez-vous de l’après-midi. Jusqu'à ce que je m’aperçoive, subitement, que nous étions la veille. Le compte n’y était pas, il me manquait un jour, je me croyais vendredi, nous n’étions que jeudi. J’avais tout mon temps. Un jour de plus, en fait. Comme un sursis qui m’était accordé ;

Cet après-midi, je suis allé à mon rendez-vous. En m’ouvrant la porte, la dame a eu l’air surprise : « Mais … c’est vendredi prochain qu’on se voit ! »

Ainsi, le grand dérèglement du temps a commencé. Les dates s’entrechoquent, les jours se confondent.

Pour me calmer, j’ai voulu allumer ma pipe. Mais son tuyau était bouché, et le cure-pipe, nulle part ; je l’ai cherché partout, en vain. L’Univers a entrepris de se dissoudre.

Ensuite, je suis allé voir l’océan. Sur la route, je me suis arrêté quelques minutes au funérarium, où l’on vient d’amener un cousin.

Je me reposais sur la plage, bercé par le grondement sourd des vagues. Soudain, une silhouette noire s’est dressée au-dessus de moi. Un homme vêtu d’un ciré sombre à capuche, tenant dans sa main un long appareil de détection de métaux.

Je me suis redressé. « Vous êtes vivant ? », m’a-t-il demandé. « J’étais venu m’assurer que tout allait bien. Au cas où vous auriez fait un malaise. » La silhouette noire s’est éloignée dans les embruns, a disparu.

Il y a eu, au retour, le distributeur de billets : vide.

Alors disparurent toutes les choses de la Terre, et la Terre fut vide, comme avant le premier jour.

Un peu plus tard, un skateur inattentif s’est jeté sous les roues de ma voiture. Je l’ai évité, il est parti en glissant sur moi des yeux indifférents.

Et le Monde commence à disparaître à ton regard, et tu disparais aux yeux du Monde.

Enfin, c’est moi qui ai eu la fève, à la galette. Une minuscule figurine de chouette : c’est bien moi qui suis choisi. C’est mon jour.

Il ne me reste que quelques heures à vivre, à traverser le monde.

Ça ne m’effraie pas. Je ne sais pas quel visage aura la Mort. A quel moment, à quel endroit elle apparaîtra. Le regard calme et patient. Elle me fera signe. Il ne me restera qu’à la suivre.