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mercredi 14 décembre 2022

Sauvons la Terre !

 

Chères camarades et chers camarades,

Bienvenue à toutes et à tous !

Comme vous le savez, je suis là pour vous présenter les grandes lignes de notre campagne.

Pour commencer, je dirai que l’Ecologie, c’est la sincérité. Et la sincérité, c’est la com’ !

Pour vous suivre, les gens ont besoin de voir qu’ils ont affaire à des militants enthousiastes, dévoués à la Cause : les bons apôtres d’une nouvelle foi, allant prêcher la Bonne Parole.

Je vous ai d’ailleurs amené, pour que vous ayez une idée des éléments de langage, des récap’ et des visuels de ce qu’on avait fait, à l’époque, pour lancer les Chrétiens, puis, plus tard, les Communistes. Vous allez voir, en gros on garde les mêmes fondamentaux, on change juste les mots : on transpose, on actualise !

Vous, vous partez avec un gros avantage : le dérèglement climatique, ça existe, les gens commencent à en voir les effets, c’est bon pour nous : ça leur fout la pétoche. Le défi, ce sera de les convaincre que vous y pouvez quelque chose, et, déjà, que vous avez réellement l’intention d’enrayer le phénomène, et non, comme les Chrétiens et les Communistes avant vous, de retourner leurs principes généreux à leur avantage.

Pour les Chrétiens, c’était pas gagné : quand les Empereurs romains, Théodose puis Constantin, ont décidé d’imposer cette religion à tous les citoyens de l’Empire, ils ont dû les convaincre de renoncer à leur liberté religieuse, tous ces dieux folkloriques et bons vivants, au profit d’une divinité unique, et pas spécialement joyeuse …

L’idée de génie, c’est la formule, le slogan qui frappe, qu’on retient facilement : « Aimez-vous les uns les autres ! » Et bam ! C’est dans la poche. Pas besoin d’être compliqué. Pour les Communistes, on avait actualisé en « Prolétaires de tous pays ! Unissez-vous ! ». Remplacé « frères » par « camarades », toujours jouer sur cette idée de grande famille, le Très Saint Père et le Petit Père des Peuples : c’est protecteur, un papa, ça ne peut pas vouloir faire du mal.

Et hop, c’est parti : on n’envahit plus des pays, on évangélise, ou on libère les Peuples frères. On n’opprime pas, on convertit, on émancipe. Toujours mettre en avant qu’on agit pour le bien des autres, ou pour un intérêt supérieur : le salut de notre âme ! Le salut de la mère Patrie ! Voilà qui justifie bien des sacrifices … Aujourd'hui, il fallait quelque chose de plus matériel : il va s’agir de « sauver la Planète ! ». Ça ne veut rien dire, c’est totalement vague, la planète, tout le monde s’en fout, mais ça donne une idée de grandeur. Quitte à réintroduire une dimension sacrée, la Terre Mère, pour réveiller la religiosité primitive. Autre élément de langage, pour faire passer les mesures douloureuses, le noble projet de « Sauver les générations futures ! ». Vous voyez, réintroduire un poil de transcendance. Les générations actuelles, tous ces gens qui galèrent au chômage, les famines, les peuples massacrés dans mes guerres, c’est pas porteur, tout le monde s’en tape depuis un siècle : c’est pas mobilisateur. Il faut du visuel, aussi : un ours blanc qui brame sur un iceberg, ça touche la corde sensible, les gens ont envie de faire quelque chose.

Faut qu’ils acceptent tous les sacrifices qu’on va leur imposer. Donc bien sûr leur faire peur. On leur refait le coup de la damnation, et de l’Apocalypse. Des images de feu et de dévastation, en boucle sur toutes les chaînes, bien flippant. Que, dès que la température grimpe un 15 août, tout le monde se voie déjà cerné par les Méga-incendies. Et de submersion, ça réactivera la terreur du Déluge.

Mais en même temps, on laisse une porte entrouverte, un espoir : on peut encore s’en sortir ! Et c’est là qu’on joue sur la culpabilisation. Les gens adorent culpabiliser, et ensuite se racheter, payer pour leurs fautes : donc oui, si Dieu a envoyé le fléau de la Peste, c’est qu’ils sont des pécheurs, il faut qu’ils aient le sentiment de pécher en permanence, que tout soit péché ! Manger de la viande, sortir sa voiture, allumer son radiateur : et là, je reconnais qu’on a été très forts, on a transformé le « pécheur » en « pollueur » ! Imparable : vivre, c’est polluer. Chacun, quoi qu’il fasse, laisse une « empreinte carbone » ! Donc doit passer sa vie à s’excuser de vivre, et surtout, de jouir. Ça, c’est une grande constante : le plaisir, c’est mal. L’œuvre du Malin, ou l’égoïsme petit-bourgeois et contre-révolutionnaire. On vous a modernisé ça en « égoïsme individualiste et irresponsable ». En gros, le type qui mange un fruit hors-saison, ou pas local, c’est sa faute si la planète est foutue. Ça marche à tous les coups, on fait porter le chapeau aux petits : c’est à eux de changer leurs bagnoles pourries (l’industrie automobile se frotte les mains : tout le parc de voitures thermiques à remplacer d’ici 10 ans, c’est inespéré !). Tout le monde doit faire un effort, peut faire quelque chose. On a trouvé un visuel très bien, très efficace : le colibri. Les gens adorent les animaux. C’est tout mignon, c’est petit, c’est fragile : c’est comme ça qu’ils se voient eux-mêmes. Et pim !, d’une pierre deux coups : on ouvre une voie de rédemption, le salut est au bout du chemin de ronces, et celui qui va pas apporter sa bouteille au saint édifice du recyclage est un salaud irrécupérable  (les Communistes disaient » pas rééducable »), mis au ban de la société. L’âne de la fable de La Fontaine sur Les Animaux malades de la Peste. Et celui qui a les moyens de polluer quand même, on a repris le dispositif qui avait bien marché pour les Catholiques, les indulgences, on les a rebaptisées « compensations » : tu pèches, tu paies, t’es nickel, tu peux recommencer.

De cette façon, personne ira vous en vouloir de pas imposer une bonne fois pour toutes des lois aux grands groupes financiers pour mettre carrément fin à la pollution, ce qui serait stupide, vu que ça se ferait au détriment des profits. Ni de laisser continuer la jet set à sillonner la planète. Ni vérifier chez vous, les leaders du mouvement, dans quel confort vous vivez : l’essentiel est de prêcher haut et fort la sobriété, la Décroissance, comme l’ont toujours fait les Princes de l’Eglise, ce qui ne les a jamais  empêchés de vivre dans le luxe le plus insolent. Voire dans la débauche, tout en faisant de l’abstinence la vertu cardinale. Les transports en commun, bondés et jamais à l’heure, c’est pour le populo. Regardez Nicolas, qui fabrique des gels douche et a une superbe collection de super voitures … Il est, dans nos sondages, l’écologiste préféré des Français.                                                                                                                Attention quand même avec les femmes … En ce moment, on ne touche pas aux femmes. Donc, c’est toujours embêtant, pour notre image, si vous vous faites coincer. Essayez de rester discrets. Bon, quand ça dérape, on rattrape le coup. On l’a fait pour les cathos, avec les viols d’enfants et de bonnes sœurs par des prêtres, quand ça a fini par sortir. Et pareil avec les bouddhistes tibétains : dans ces cas-là, toujours, Amour et compassion ! Il passe bien, sur les plateaux, Dalaï, avec sa bouille qui se marre tout le temps. Donc, pour les valises de billets vers Dharamsala, les filles abusées ou les enfants en travail forcé, il a couvert ses potes lamas, rien à déclarer et une bonne blague là-dessus, et c’est très bien passé, Mathieu a fait pareil, on a mis en avant le bouquin de belles photos qu’il publiait, et on est passés à autre chose. Les gens oublient vite. Ils veulent pas s’embêter avec des détails. Dites, c’est pas parce que les cathos coupaient les testicules à des petits garçons pour en faire des chanteurs, il y a à peine deux siècles,  qu’on dit aujourd'hui que ce sont des monstres ! Mais quand même, faites gaffe. Une campagne pour éponger un scandale, c’est toujours des frais en plus.

Cela dit, tu l’as très bien joué, Sandrine, et j’en profite pour te féliciter pour ta candidature, je crois que cette fois-ci, c’est dans la poche : tu as attaqué bille en tête, t’as dézingué à tout va, autant de concurrents dégagés ! C’est un élément de langage très porteur, en ce moment : « Toutes les femmes sont des victimes », servez-vous-en. Pour se développer, tout mouvement doit se fabriquer  un adversaire imaginaire qu’on accuse de tous les maux, et qui justifie les pires rétorsions. A l’époque, c’était assez fort, on avait réussi à inverser l’image : on avait  transformé les fanatiques grincheux qui cassaient les oreilles des gens pour qu’ils abandonnent leurs dieux, en saints martyrs de l’intolérance. Aujourd'hui, celui qui ose ne pas être d’accord avec la moindre de vos mesures, il passe pour un beauf ignare et réac, le crétin de base populo et égoïste. Ça vous coupe d’une partie de l’électorat, mais c’est une perte rentable : ça a toujours été la stratégie gagnante. Convertir les « païens » (je vous rappelle que le mot signifie « paysans », à l’origine), c'est à dire les ploucs, les ignares.

Il me reste à vous remercier, toutes et tous, pour tout ce que vous faites, pour tout votre dévouement, non, vraiment, merci ! Vous êtes super !

Tous avec Sandrine !

Sandrine, Présidente !

Merci, merci à toutes et tous, au nom de toute l’équipe de Méphisto.com !

 

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A bientôt …

Fécondations

 


 

Un cri de colère et un rire de joie

font un enfant indécis

 

Un cri de surprise et un rire gêné

font un enfant mort-né

 

Un cri de douleur et un rire étouffé

font un enfant choyé

 

Un cri de joie et un rire à gorge déployée

font des quintuplés

 

Un cri du cœur et un rire de tête

font un enfant compliqué

 

Un cri pour crier et un rire pour se moquer

font un enfant agité

 

Un cri muet et un rire coincé

ne font pas d’enfant du tout.

Ils adoptent un teckel à pedigree

Et lèguent leur corps à la science

 

Un cri un jour rencontra un rire nerveux

Il lui dit : « voulez-vous m’épouser ? »

Le rire accepta, pour ne pas le froisser

Mais le cri le jour dit fit faux bond.

Dans l’église consternée, on entendit :

Un cri de colère et un rire gêné

Un cri du cœur et un rire moqueur

Un cri pour crier et un rire de tête

Un cri de surprise et un rire à gorge déployée.

On poussa tous les bancs,

Et ce fut la fête

 

 

 (forme reprise du poème Naissances, d'André Frédérique)

vendredi 25 novembre 2022

Jérôme

 

                                                                                              Jérôme

 

 

Qu’est-ce que j’étais con, à cet âge-là.

Je voyais pas du tout ce qu’on foutait là. Ce que j’avais à y faire, moi. Comment j’allais me tirer de ce merdier. Pas d’issue. J’ai tout de suite pressenti que j’allais devoir me les coltiner deux ou trois décennies. M’emmerder dans cet ordre rance, supporter les consignes absurdes, répondre à des questions que personne ne se pose.

Je sentais qu’on était là pour être dressés. Un préambule à la caserne. Aux files de Pôle-Emploi, aux rangs serrés de travailleurs qui vont bosser, l’ennui au ventre. Aux colonnes de chiffres, de résultats, de projections qu’il faudrait arpenter.

Je n’avais pas saisi tout le profit qu’on pouvait tirer de la situation. Contrairement à Victor, un peu plus loin à ma gauche, sur la photo de classe de cette année de CE2. Victor, l’école, ses règles, ses objectifs, il s’en foutait. Il était là pour profiter, comme il le serait toujours, en toute occasion, un sens inné du système. S’attirer la sympathie des marlous, l’admiration des filles, piquer leurs billes et leur goûter aux plus timides. Plumer ceux qui ne sont pas dans le coup, ceux qui ont un train de retard : ça lui a bien réussi, ensuite, dans le marché de l’immobilier.

Moi, j’avais le tort de prendre tout ça au sérieux, les remarques de la maîtresse, les devoirs, les notes, ce qu’allaient dire mes parents. « C’est même pas juste ! », je gaspillais mon énergie à râler, je pestais d’être en cage, sans me rendre compte que la porte n’était pas fermée à clef. Crédule, à ma façon.

Comme Eglantine. La petite rousse qu’on voit à côté de moi. Un minois triste, pas l’audace de protester, à peine huit ans et elle avait déjà renoncé, résignée à vivre dans le désir des autres. Notre sentiment de victimes avait tissé entre nous une forme de complicité, une entraide, associés dans l’art de survivre.

Je l’ai croisée, un soir, une dizaine d’années plus tard, à une fête. Complètement métamorphosée. Devenue une splendide jeune fille, qui n’avait pas froid aux yeux, essayait tout, les drogues, les mecs, les raids au bout du monde, qui essayait de se dépêcher de tout essayer, comme si elle savait. Deux trois ans plus tard, on a retrouvé son corps dans une piaule minable.

C’est même pas juste.

Moi, j’ai pris les devants. Je ne voulais pas faire éternellement partie des perdants. Ça fait dix ans que je dirige les Services de Police Judiciaire d’Ile de France.

Les ordres, maintenant, c’est moi qui les donne.

dimanche 20 mars 2022

La femme sous la lune

 

                                               L’éclair blafard

                                               défait la nuit

                                               Sous l’ombre pâle

                                               paraît la femme

                                               voiles livides

                                               ses yeux fous

                                               fixent la lune ensanglantée

                                               ses doigts serrés

                                               poissés de rouge

                                               Rageusement sans une plainte elle éventre l’obscur tout autour d’elle

                                               Elle se débat

                                               Elle efface les noms

                                               qui la retiennent

                                               Elle bredouille les mots qui font l’oubli

                                               Sa danse sous la lune est comme un rire amer

                                               et son regard

                                               un sortilège