Ils ont pris trois jours à Capbreton. C’est sa famille à elle qui leur a offert. Son père leur a dit : « Vous allez voir, c’est le meilleur moment. Les touristes sont partis. Et vous aurez beau temps. »
Ils se sont installés dans un hôtel près de la plage. Ils se sont baignés. C’est vrai qu’il n’y a pas grand-monde. Elle a trouvé l’eau un peu fraîche. Il s’est moqué d’elle, il est allé nager. Ils sont partis en ville chercher où manger. C’est petit, ils ont vite fait le tour. Ça a du charme, ils marchent lentement, main dans la main, entre les maisons, à travers rues, de petites rues tranquilles. Le port du masque gâche un peu le plaisir. Mais c’est comme ça. C’est pareil partout, maintenant. En trois jours, ils n’avaient pas le temps d’aller très loin. C’est la première fois qu’ils partent quelque part ensemble. Ils n’en ont pas parlé, mais ils appréhendent un peu. Le lieu clos d’une chambre d’hôtel. Pas grand-chose à faire. A Joinville, c’est pas pareil, ils ont les copains, ils sont dehors toute la journée, le boulot, le RER.
Mais c’est romantique, quand même, elle a murmuré. De la chambre, ils voient la mer. Le reflet mordoré du soleil sur la mer. On dirait qu’ici, le temps ne bouge pas. Loin de tout.
Ils traversent la place de la mairie, quasi déserte. Ça fait presque peur. A Paris, ce serait noir de monde. Une petite place vide, comme une scène où personne n’oserait s’aventurer. Comme un spectacle qui ne commencerait jamais. Ils croisent quelques personnes, emmasquées elles aussi le plus souvent, mais pas toujours, ce sont eux peut-être les personnages de la pièce, ils jouent sans le savoir, sans connaître l’histoire. C’est une pièce où il n’y a pas beaucoup de dialogues.
Ils arrivent à une terrasse, avec un peu de monde, des rires s’entrecroisent, les gens s’interpellent, avec cet accent qui semble toujours plaisanter. Ils parcourent la carte. Ils ne trouvent rien qui leur fasse envie. Elle a peur qu’il s’ennuie. Elle ne dit rien mais elle sent dans sa main la sienne qui s’impatiente, il a envie de bouger. Ils partent essayer de trouver autre chose. Trois jours, c’est vite passé.
Nouvelle coïncidence amusante - voire étrange : j'étais à Capbreton la semaine dernière, et l'ambiance était proche de celle que tu décris...
RépondreSupprimerMais c'est ce qui m'a plu ! Sans doute grâce à la liberté de n'être pas un de ces couples qui cherchent à s'évader, appréhendent un peu, ont peur d'avoir peur de l'ennui, et ne survivent qu'en essayant toujours de "trouver autre chose"...
N'est-ce pas cela que tu voulais dire ?
Est-ce pour cela que tu n'étais pas descendu du train, à Pétrograd ?...
Un de ces couples qui cherchent à « s’évader » d’une banalité, d’une tiédeur qu’ils portent en eux, auxquelles ils tiennent. Qui « se mettent en couple » pour ne rien en faire, mus d’abord par un vague désir de rencontre, vite anesthésié : cette question du vertige de la rencontre, que j’évoque dans plusieurs textes portant ce titre, comme aventure fondamentale, littéralement ce qui est « à venir », toujours, cet espace inquiétant, excitant, magnifique, de l’autre devant nous, inconnaissable, voyage toujours recommencé, à chaque regard : auquel la plupart des personnes se dérobent, préférant l’ennui, la normalité, le confort, à ce face à face.
SupprimerA Pétrograd, « il » (mais c’est loin dans mes souvenirs) est frappé par cette nécessité, de quitter la normalité rectiligne pour aller à sa découverte, « aller voir » … Le texte n’est pas allé plus loin, peut-être aussi parce qu'elle ne se retourne pas, elle ne lui fait pas signe. C’est son désir à lui, et contrairement à ce qu’il imaginait à l’adolescence, il a découvert qu’il faut deux désirs, pour la rencontre. Deux êtres mus par cette étrange nécessité, de voyager l’un vers l’autre.
Malgré les peurs, et même les peurs sont drôles, quand on est portés par ce désir.
J’étais à Capbreton, quand j’écrivais ce texte : en voisin ...
PS : Questions centrales pour moi, ces temps-ci, que ton commentaire réactive. Frappé par cette contradiction que j’observe si souvent : chez beaucoup, y compris en amitié, ce double mouvement : la tentation (d’aller à la rencontre), puis le retrait. Je suis curieux d’explorer ce que ça pourrait être, comment ça se vivrait, la « rencontre » (dans la vérité) : se voir toujours nouveaux ; la formule de salut, ce ne devrait pas être « ça va ? », mais « qui es-tu ? (aujourd'hui ?) ». Me suis lancé dans une écriture longue, romanesque, pour découvrir comment ça serait, une relation qui se ferait « dans la rencontre » : la vie, l’énergie que ça susciterait, les difficultés, aussi, et comment inventer les façons de les surmonter. C’est à inventer, aussi, la vie.
RépondreSupprimerMerci pour cette auto-exégèse prometteuse : je devine qu’une « écriture longue », malgré l’engagement qu’elle exige, te conviendrait mieux que les exercices de style !
RépondreSupprimerJe te répondrai plus longuement par mail – car, après bien des acrobaties, j’ai fini par retrouver l’adresse abandonnée sur une plage grecque, et j'ai apprécié ta belle analyse des conditions d’une vraie rencontre…
Au cas où tu repasserais par là ... le mail annoncé n'est jamais arrivé (est-il parti ?). Au cas où il s'agirait d'une adresse inexacte, je te la redonne : psahores3@gmail.com
SupprimerJe le lirai avec plaisir !
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